Écorché

D'un seul coup d'œil, le toit envisage les forces
et les faiblesses du terrain qui se présente à lui

Tous ces cris éteints au-dessous:
la terre contrôle tout
Elle n'est jamais muette, plus d'un million d'années
prend une seule de ses paroles
et la conserve bien au chaud

Où gisent nos connaissances
détachées du monde ?
Se sont-elles perdues?
Où vivent nos enfants ?
Ensevelis sous un drap moelleux de syllabes -

Tous vont et viennent du même sang de la nuit
aux soleils c'est le choix du dieu
C’est le dieu qui distribue
le piment rouge de la parole

Et le visage des anciens,
imprimé sur les toits, au-dessus des manguiers, trace
des lignes de splendide consolation
pour la colombe à queue noire, le chevalier solitaire,
et autres survivants clandestins

Emmanuel Berland http://www.helices.fr

Emmanuel Berland est un poète français né en 1957 à Nogent-sur-Marne. Auteur de nombreux recueils, il anime la revue Esprits poétiques ainsi que le groupe de lecture Poètes ensemble pour le collectif Hélices poésie qu'il a fondée en 1993. Emmanuel Berland est également auteur-compositeur-interprète.
• Nu et son fantôme, Hélices, 2006.
• Ecorce visionnaire, Donner à voir, 2009.
• Dans la cabane du philosophe, L'Harmattan, 2009.
• L'Utopie des oiseaux, L'Harmattan, 2010.

Paul Pope l'a dit lui-même : il est à la croisée d'influences comme Bradbury et Edgar Burroughs (chose amusante, c'est à peu près ce que nous a dit William Gibson... et chose plus étonnante, c'est aussi ce que dit de lui le magazine Booklist). Et après son travail chez Kodansha, maison de manga, il a lancé son propre style. Rapide. Vif. Fulgurant. Mais aussi sombre. Mélancolique. Très sombre.

Dont 100 % est une parfaite illustration. Un dessin noir et blanc pour masquer les couleurs de vie qui cherchent encore leur lumière. Des corps légèrement déformés, qui expriment si facilement les destins qui marchent sur le fil du rasoir, entre perdition et rédemption. Tout converge à accentuer le mal-être, et le rendre palpable.

Trois destins, qui vont se croiser, dans ce New York de 2038, pas franchement si différent ce qu'il peut être aujourd'hui. Entre boîte de nuit et ring de boxe, mais peut-on simplement qualifier cela de boxe ? Trois destins découpés en six personnages, tous guettant la lueur d'espoir, l'avenir ou simplement le monde de leurs humbles rêves.

Inhumanité, ou trop-plein d'humain, le scénario ne permet pas de décrocher, tant il faut encaisser le choc, mais les images soutiennent un rythme de folie. Dargaud a mis le doigt sur un OVNI, qui suit de peu Heavy Liquid, et qui ne manquera pas de conquérir les romantiques post-modernes et autres écorchés un peu vifs. Une séduction qui ne vous coûtera pas plus de 17 €. C'est plutôt honnête.

L'épisode 2014 de la famille la plus déjantée des États-Unis, intitulé In the Name of the Grandfather, dans lequel Homer comprend qu'il a négligé son propre père, une révélation sensationnelle est faite : Bart sait lire. Et il affectionne les aventures du reporter belge, Tintin...

Effectuant un voyage en Irlande, pour que le grand-père retrouve ses origines, Bart se montre plus qu'insultant à l'égard des Belges, et sa mère finit par le menacer (oui, quand même...). La sanction sera terrible : il sera privé de ses albums de Tintin, s'il s'entête à insulter comme cela les Belges.

La réaction de Moulinsart n'a pas tardé : les gens sont « très flattés. Ceux qui ne sont pas dans les Simpson sont des loyers ». On pourra toujours consulter l'épisode en anglais à cette adresse et constater que Bart tient très serré contre lui l'album du Crabe aux pinces d'or...
Pour les impatients, cela se passe à 8 minutes 15 du début de la vidéo. La conversation est la suivante :

Dans ta face la Belgique
Marge : Eh bien, si tu détestes autant la Belgique peut-être que je devrais te confisquer tes Tintin
Bart : Non, je serai gentil...

On croisera aussi dans l'épisode des Leprechauns... Évidemment, une telle publicité sera plutôt positive, alors que le Léopard Masqué attend toujours de savoir ce que signifie réellement contrefaçon dans l'esprit de Moulinsart. D'un autre côté, il est rare que les Simpson fasse apparaître aussi gratuitement un produit dans leurs épisodes, sans écorcher quelque peu... L'affaire de la parodie aura-t-elle abouti aux oreilles de Groening ?

Jongleur de petits mots doux, Gaspard les offre en bouquets secrets aux gens qui le touchent. Le timide jeune homme cache ci et là des preuves de cœur, des petits billets de poèmes déposés qui le sortent de sa petite bulle contre le monde « hostile ».

Surprotégé depuis l'enfance, Gaspard doit faire attention à tout pour ne pas se blesser et boire régulièrement comme un poisson en balade hors du bocal. Que de tracas pour cette maman depuis le malheureux incident de la maternité, à cette période de la canicule ! Cette angoisse ne la quittera plus. Pourtant, chargé d'un sac rempli de bouteilles d'eau, d'un téléphone portable et la tête pleine de poésie, Gaspard trouvera l'urgence à sortir de sa bulle afin de ramener son père à la maison, afin de ramener le sourire sur le visage de sa maman et maintenir la cellule familiale.

Et sur ce chemin, il aura des arbres qui parlent, des chats gardiens, des lapins blancs guerriers.

Gaspard, le soleil ne t'a-t-il pas trop tapé sur la tête ?

Le roman de résonne entre innocence et gravité, est le passage de l'enfance à l'adolescence pour ce garçon surprotégé qui comprend vite que les choses ne tournent pas rond dans son monde d'adultes.

Gaspard repousse les protections imposées pour ne pas souffrir des bobos de la vie, s'affirme de lui-même, tentant de préserver son petit frère de l'éclatement familial.

Courageusement et de façon inconsciente pour les besoins de l'histoire, Gaspard va à la recherche de ce papa qui ne revient pas. Les choses se corseront évidemment avec la fugue.

L'auteur mêle aussi à cette quête une dimension fantastique décalée.

Presque d'un son de clochette figurée, Gaspard bascule dans un monde merveilleux où il ne manque que des chansons pour rendre hommage à l'univers Disney. Toutefois, les doux animaux sont sur le sentier de la guerre contre un molosse gigantesque qui ne fait pas de quartier et d'emblée, Gaspard est sollicité.

C'est un véritable parcours initiatique et héroïque pour Gaspard qui va se révéler pugnace, combatif, s'affranchir de sa « maladie » et trouver l'amitié. Honoré, compagnon de fugue qui veut voir la mer, touchera les cœurs. Son comportement d'écorché prendra du sens à la fin de l'histoire.

Gaspard des profondeurs nous lance à la rencontre du héros qui sommeille en chacun. Un roman ado poétique à découvrir !

Y'a-t-il réellement des raisons de s'inquiéter de l'avènement des lecteurs ebooks ? Jusqu'à présent, remarque le Guardian, le débat porte sur le confort d'utilisation ou la fin du livre tel que nous le connaissons, sans tenter de hisser le niveau.

Mais d'autres questions persistent : l'impact sur les détaillants, le monopole d'Amazon, le prix des ebooks, et la place de l'auteur. Autant de problématiques que nous abordons régulièrement dans nos colonnes, pour tenter de nous frayer à la machette un chemin dans la jungle du numérique.

Avec l'affaire Amazon qui supprime directement des ebooks sur les Kindle des usagers, voilà qui jette de l'huile d'olive sur le feu, pour attiser les passions. Un des commentaires en off que nous avions reçu d'un éditeur fut corrosif : « Vive le papier ! » Comment riposter dans ce cas de figure : si nos propos n'ont jamais été de devenir les chantres du numérique, mais bien au contraire de lutter contre les âneries qui sont proférées à son propos, voilà une position impossible à tenir.

Et d'ailleurs pourquoi ?

Quand Amazon commet une telle bévue, ce n'est pas simplement son image de marque que le cybermarchand écorche, c'est avant tout la vision que le grand public peut avoir des lecteurs ebooks et du livre numérique qui en prend un coup. Il ne serait pas étonnant qu'un sondage effectué dans deux jours montre que les intentions d'achat ont clairement diminué.

Remboursement fait force de loi ou force la loi ?

Rembourser les copies supprimées ne change rien à l'affaire. Nous le pointions hier : les liens entre le marchand et son objet sont passablement inquiétants. Comment accepter qu'un objet acheté puisse être commandé à distance par son vendeur, sans que l'acheteur n'ait quoi que ce soit à redire ? Ni n'en soit averti autrement qu'en étant mis devant le fait accompli ?

Le lecteur avec sa connexion devient une véritable porte ouverte sur nos vies, et pour un peu, in imaginerait aisément comment un publicitaire mal intentionné profiterait des lectures que les possesseurs de Kindle ont faites pour cibler un affichage pub dédié... Mince, c'est peut-être déjà en cours... D'où la question de nos confrères, et celle de Juvénal avant eux : Qui garde les gardiens ?

Et l'arrivée prochaine d'un autre couple, Barnes & Noble et Plastic Logic, ne pourrait pas manquer de ronger aussi les ongles.

Bonne et mauvaise nouvelle pour les écrivains américains cette semaine. Et surtout une situation ubuesque, ou kafkaïenne, découlant des grèves actuelles menée par les scénaristes à Hollywood.

Deux émissions très prisées des auteurs pour ce qu'elles apportent de visibilité reviennent sur les écrans : Colbert Report et The Daily Shaow. Ça, c'est bien. Ce qui l'est moins, et particulièrement pour les auteurs de genre non fictionnel, c'est la grève qui touche actuellement les studios : celle des scénaristes. Et avec eux, la Writers Guild of America.

Et conséquemment le piquet de grève infranchissable pour accéder aux studios...

La division règne désormais au sein des écrivains : peut-on décemment se rendre à un show télé dans ces conditions ? Michael Pollan, connu pour son manifeste sur la Défense de la nourriture a annulé le passage dans une de ces émissions, « parce qu'il ne voulait pas traverser le piquet de grève », dit son éditeur.

Un autre, Paul Krugnman, annule également, pour l'émission du lundi, bien que la raison ne soit pas donnée. Parallèlement, un troisième, Muhammad Yunus estime que son message « destiné aux pauvres doit être entendu, aussi s'est-il rendu à l'émission ».

Mettre le doigt entre l'écorce et l'arbre ?

Situation embarrassante et délicate, pour les auteurs, pris entre la chèvre et le chou, avec l'alternative suivante : assurer la promotion télévisuelle de leur livre ou témoigner leur solidarité à l'égard des scénaristes.

« Les gens sont pris entre deux feux, déclare un professeur d'université anonyme. Ils ne souhaitent pas montrer une image de briseur de grève, franchissant le piquet. Ils sont cependant écrivains professionnels. Et c'est le rêve de tout écrivain que d'apparaître dans l'une ou l'autre de ces émissions. »

Bref, l'incertitude règne...