Ca ferait presque plaisir de voir que la littérature est au coeur des discussions politiques, si simplement les auteurs évoqués n'avaient pas les passifs politiques - hélas ! - qu'on leur connaît. Et surtout, si l'on ne replongeait pas une fois de plus dans la gaudriole frontiste dont l'illustre représentant et patriarche a pris l'habitude de plonger...
Le 20/02/2012 à 09:07 par Clément Solym
Publié le :
20/02/2012 à 09:07
C'est que Jean-Marie Le Pen, sortant de l'hibernation où les frimas de l'hiver l'avait plongé, s'est fendu d'un discours à Lille, dans lequel il faisait état les vers d'un poème de Brasillach.
Au berceau de l'enfant d'honneur...
on a vu deux fées apporter deux présents...
le courage avec la gaieté
Le tout servait évidemment à défendre les intérêts de sa fille, candidate frontiste, luttant contre les idées reçues qui tourne autour de sa candidature et du parti. « Il est possible, probable même que l'arrivée de Marine Le Pen se traduirait par quelques tensions. Grèves, blocages, manifestations, refus d'obéissance... » a ainsi assuré Jean-Marie Le Pen, cité par l'AFP. « Mais Marine Le Pen étant démocratiquement élue, la majorité énorme de la population française la soutiendrait. »
Brasillach... évidemment, le choix de l'auteur n'a pas été laissé au hasard, puisque Robert Brasillach (en photo), collaborationniste durant la Seconde Guerre mondiale fut jugé et condamné pour intelligence avec l'ennemi, durant un procès ouvert à la cour d'Assises de la Seine, le 19 janvier 1945. Si plusieurs intellectuels et auteurs tentèrent d'obtenir la grâce présidentielle, mais en vain puisque Brasillach fut exécuté au fort de Montrouge, le 6 février...
Je cite qui je veux...
Mais voilà, l'ancien leader du FN, interrogé sur la citation a démontré qu'il avait encore la polémique et la répartie aux lèvres. « Nous acceptons bien la Révolution française et Robespierre dans notre passé. Je ne vois pas pourquoi nous accepterions Robespierre et pas Brasillach ! » (voir Le Monde)
Et d'ajouter : « Est-ce que le fait d'être condamné à mort interdit d'être poète ? La poésie que j'ai citée n'est pas politique. » Mieux, pour les amateurs de provocatrices pirouettes : JMLP s'est mis à citer le poète Testament d'un condamné, toujours de Brasillach. Avant de conclure : « J'ai aussi cité plusieurs fois le Martiniquais Aimé Césaire. »
Interrogée sur les conséquences de ces déclarations paternelles, Marine le Pen ne s'est pas désistée. Elle-même revendique des citations de Marx dans son dernier livre, mais elle assure n'avoir aucune pensée marxiste. De même, elle apprécie Baudelaire : « Le livre sur ma table de chevet, ce sont Les Fleurs du mal de Baudelaire et je ne suis pas une droguée syphilitique ». Il faut « faire la différence entre l'homme et l'oeuvre », assure la candidate.
« Demandez à Nicolas Sarkozy, qui a le livre de Céline sur son bureau », tranche-t-elle...
Eh oui, Céline, autre écrivain, engagé, certes, mais du mauvais côté, retiendra l'histoire, et dont on reproche régulièrement la proximité avec les collaborationnistes de l'époque.
Une drôle de rime
Reste que, comme l'a souligné SOS Racisme dans une réaction quasi immédiate, citer un poème de Brasillach, dans le cadre d'un discours de l'ancien leader FN, ce n'est pas de la roupie de sansonnet... « Cela vient, à nouveau, montrer que le FN reste structuré par la haine », estime l'association. « En effet, au Front national, en matière de poésie, Juif rimera sans doute toujours avec Antisémitisme, Arabe avec Racisme, Femme avec Vaisselle et Homosexuel avec Dégénéré. »
Réponse par anticipation de Marine Le Pen : « Je pense que dans notre civilisation éduquée, on a toujours su faire la différence entre l'homme et l'oeuvre. » Mais citer les vers d'un homme jugé et condamné pour collaborationnisme n'aura pas le même effet dans la bouche d'un parti comme le FN, que dans le discours d'un autre...
L'oeuvre et l'homme, certes, mais tout dépend de la manière dont on utilise l'un ou l'autre et des desseins que l'on souhaite servir...
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