#Presidentielle2022 — Candidate du parti Lutte ouvrière, Nathalie Arthaud a répondu à notre questionnaire concernant ses propositions pour le secteur du livre, qu'ActuaLitté a fait parvenir à un maximum de candidates et candidats déclarés. Réorganisant nos questions, elle les a également fait précéder d'un préambule : ses réponses, forcément révolutionnaires, sont reproduites en intégralité ci-dessous.
Le 23/02/2022 à 09:55 par Antoine Oury
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23/02/2022 à 09:55
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Avant de répondre aux différents thèmes de votre questionnaire, je voudrais souligner combien le secteur du livre, et plus généralement celui de la culture, demeurent sous l’emprise de la loi du profit. C’est une évidence rappelée par l’actualité dans le monde de l’édition, avec la bataille orchestrée par un Vincent Bolloré pour la prise du contrôle du groupe Lagardère et, par contrecoup, d’Hachette Livre (leader de l’édition avec, entre autres, Grasset, Calmann-Lévy, Stock, Fayard, Le Livre de poche, Larousse). On parle traditionnellement de « maisons » dans ce monde : c’est effectivement d’un marché de même nature que celui du Monopoly où il s’agit d’acheter, de revendre, de maintenir ses concurrents à distance et, surtout, de faire un maximum d’argent.
Et quand on sait la politique imposée par ce même Bolloré dans les entreprises qu’il dirige, audiovisuelles notamment, je comprends et partage l’inquiétude des salariés de ce secteur.
ActuaLitté : Quelles sont vos propositions pour améliorer la situation sociale et les rémunérations des auteurs de l'écrit ? Quels seraient les principaux axes de votre politique en matière de lutte contre les infractions au droit d'auteur, notamment sur internet ?
Nathalie Arthaud : Dans ce monde de l’édition, il en va comme dans bien d’autres domaines : ce sont les gros qui dictent leurs décisions et leurs règles. Et il est vrai que pour une poignée d’auteurs, reconnus et soutenus parce que leurs ouvrages sont vendus à un grand nombre d’exemplaires, la grande majorité des auteurs ne vit pas de son travail littéraire.
Il leur revient, je pense, de s’organiser, de mettre en avant leurs propres exigences et de refuser les contrats léonins qu’on leur impose bien souvent. Pas plus qu’un contrat de travail d’un ouvrier n’est véritablement « libre » comme le prétendent tous les défenseurs de l’ordre social actuel, ces contrats ne sont librement négociés. Et ce sont d’abord les grandes maisons d’édition qui piétinent les droits des auteurs, pas les internautes. Si les salariés avaient des salaires leur permettant de vivre décemment, c’est-à-dire de pouvoir également dépenser de quoi nourrir davantage leur curiosité artistique, scientifique ou tout simplement leur plaisir de lire, la lecture ne serait plus une dépense si inaccessible à beaucoup. Et ce, sans parler de l’accès plus général à la culture qui dépend des choix par la société actuelle en matière d’éducation et d’investissements publics.
Dans la société communiste pour laquelle je me bats, la culture, et donc les auteurs et leurs écrits, échapperont comme tous les secteurs d’activité, à cette pression puisque la propriété privée des grands moyens de production, et donc le secteur de l’édition, sera abolie et les grands groupes expropriés. La création sera la plus libre possible en mettant à la disposition des auteurs, qui seront en nombre infiniment plus nombreux j’en suis convaincue, tous les moyens à la disposition de la société.
Quelle serait votre politique en matière d'accueil des écrivains exilés car menacés dans leur pays ?
Nathalie Arthaud : Ma solidarité est évidemment totale avec tous ceux qui cherchent asile, ou se trouvent déjà dans cette situation, pour avoir dû fuir leur pays en raison de leurs écrits ou de leurs opinions. D’une façon plus générale, je voudrais rappeler ici mes convictions internationalistes et que je suis pour la liberté de circulation et d’installation de tous ceux qui aspirent, en franchissant les frontières de leur pays d’origine, à sauver leur peau ou trouver une vie meilleure. C’est la société capitaliste et ses États qui nous enferment, ainsi que le monde de la pensée, de l’intelligence humaine, dans ce carcan d’un autre âge.
Comment proposez-vous de défendre le réseau des librairies françaises face à la concurrence de la vente en ligne et à la hausse des charges dans les villes, notamment ? Maintiendrez-vous le prix unique du livre ? D'autres mesures de régulation seront-elles introduites ?
Nathalie Arthaud : Au risque de me répéter, je tiens à souligner le fait que les librairies et le secteur du livre ne constituent pas un isolat, un monde à part en raison de la place prise par le profit dans la société actuelle. Et ce depuis une très longue période. On l’a vu d’ailleurs lors de la pandémie et du premier confinement notamment où ces commerces ont été considérés comme « non-essentiels », et ce alors même que des millions de personnes étaient contraintes de rester chez elles. Cela a fait le bonheur des Gafam, mais pas celui des libraires… ni des lecteurs !
C’est le marché, et donc la spéculation, qui fixent le prix des loyers et des fonds de commerce dont dépendent la possible survie des librairies, et plus particulièrement de celles qui demeurent indépendantes des grands groupes.
C’est encore le marché qui fixe le prix du papier (qui explose en ce moment), le coût de l’impression, etc.
Le prix unique a, très partiellement donc, permis à un certain nombre de librairies de pouvoir continuer leur activité : c’est tant mieux. Et je comprends leur colère face à des mastodontes comme Amazon qui « offraient » par exemple encore récemment la livraison des ouvrages commandés en ligne. Mais ce prix unique est bien souvent trop élevé pour beaucoup de personnes, étudiants, salariés, retraités aux revenus modestes.
Je suis donc convaincue qu’arracher ce secteur à l’emprise du profit et des multinationales qui le tiennent sous leur coupe ne pourra être que favorable aux commerces de proximité, à la pluralité des expressions et aux lecteurs.
Quels seront les moyens mobilisés pour que les bibliothèques assurent leurs missions, notamment en matière de budgets et d'effectifs ? Quelles seront vos mesures en matière de lecture publique et de promotion de la lecture ?
Nathalie Arthaud : Je ne prétends pas chiffrer ici mon argumentation, dans la mesure où je ne prétends pas accéder demain à la présidence de la République. Ceux qui le font par de belles promesses n’engagent d’ailleurs que ceux qui veulent bien les croire.
Ma conviction profonde est que l’accès aux bibliothèques – et plus généralement à la culture - doit être le plus large et le plus facile possible et donc gratuit. Cela suppose l’ouverture de nombreuses bibliothèques publiques là où elles font défaut, à commencer par beaucoup de quartiers populaires et de zones rurales. Cela suppose également la formation et le recrutement d’un personnel suffisamment nombreux pour assumer toutes ses missions. Cela suppose enfin un effort considérable en termes de moyens humains et financiers dans l’éducation et la promotion de la culture.
Au fond, ce combat ne pourra être mené véritablement à bien qu’en jetant les bases d’une société débarrassée du capitalisme, de ses injustices, de l’exploitation et de leurs conséquences.
Comment comptez-vous défendre la diversité éditoriale et lutter contre la concentration, au moment où une possible fusion entre Hachette et Editis laisse craindre la création d'un monopole dans l'édition ? D'une manière plus générale, quelle serait votre défense de la bibliodiversité ?
Le Centre national du livre, organe central dans l'industrie, a vu son financement profondément modifié. Comment garantir une sanctuarisation des crédits qui lui sont alloués ?
Envisagez-vous la mise en place de certaines obligations, notamment environnementales, en matière de fabrication et de distribution des livres ? Quelles seront vos propositions pour garantir la liberté d'expression ?
Nathalie Arthaud : Comme je l’ai mentionné en préambule, la concentration et l’obsession de la rentabilité sont dans les gênes de la société actuelle. Tout ce qui peut en amoindrir les effets est utile. Mais mon combat contre la domination des monopoles ne peut être limité au secteur de l’édition. La meilleure preuve est que ce sont des mastodontes des affaires qui en sont également les maîtres.
De la même manière, je suis bien sûr favorable à toutes les mesures qui peuvent limiter les dégâts sur l’environnement. Mais comment imposer cela sans empiéter sur la propriété privée et sur le pouvoir des grands groupes ? j’ajoute également qu’il est hors de question de reporter le coût de telles mesures, comme cela s’applique bien souvent, sur les « consommateurs », un terme bien insoutenable quand il s’agit de lecture et de culture. Ce n’est pas à la population de faire les frais de la nécessaire lutte pour la sauvegarde de la planète !
Comment faciliterez-vous l'accès des citoyens aux livres ? Quelles sont vos propositions en matière d'enseignement de la lecture et de lutte contre l'illettrisme ?
Nathalie Arthaud : J’ai déjà insisté sur l’éducation, la gratuité, les investissements indispensables dans ce secteur et, plus généralement, sur l’espoir qui est le mien de pouvoir construire une société où la priorité sera justement mise dans la possibilité donnée à chacun d’accéder à la culture, aux connaissances et aux livres.
Vous m’interrogez sur l’illettrisme. Je suis militante, mais je suis aussi enseignante dans un lycée situé dans une banlieue populaire et je mesure au combien cette question reste d’actualité bien que la France compte parmi les plus riches pays de la planète. Un vaste plan de recrutement est absolument nécessaire dans l’éducation nationale, de façon à prendre cette question à bras le corps, pour permettre l’apprentissage en petits groupes, tout particulièrement au plus jeune âge. Mais un effort important, en moyens humains et matériels, devrait également être fait pour ne pas laisser des jeunes ou moins jeunes adultes sans solution. À commencer bien sûr par tous ceux issus de l’émigration qui ne maîtrisent pas la langue française ou qui, pour une partie d’entre eux, n’ont jamais été scolarisés dans leur pays d’origine.
Cela fait partie des objectifs que les travailleurs auront à reprendre à leur compte quand ils engageront, j’en suis sûr, un vaste combat pour changer cette société de plus en plus folle et révoltante.
Dossier - Présidentielle 2022 : les propositions des candidats pour le livre
Photographie : Nathalie Arthaud © Victoria Viennet
6 Commentaires
Aleph
23/02/2022 à 15:36
Sait-elle que Gutemberg était entouré de très gros capitalistes, sans qui elle serait probablement analphabète dans un monde largement illettré ?
Jojo
23/02/2022 à 18:32
C’est tout ce que vous avez à dire sur des constats aussi inquiétants? Il faut quand même une réponse un peu censée face à l’empire Bolloré, à la précarité dans laquelle vivent de nombreux auteurs, vous ne trouvez pas?
Aradigme
24/02/2022 à 08:21
Bonjour Aleph,
Votre remarque me parait tout à fait judicieuse. D'ailleurs, jusqu'ici, seule la combinaison du progrès technique et du capitalisme libéral a permis de développer rapidement et efficacement les richesses, tant matérielles qu'intellectuelles.
Salutations
Aradigme
ATENOR
24/02/2022 à 08:28
"La création la plus libre possible ". En langage communiste, il me semble me souvenir ce que cela signifie. Voilà qui fleure bon le temps béni des années 1950... Staline, les commissaires politiques, le polit-bureau, la dictature du prolétariat... De quoi rendre nostalgique les anciens du trotskisme et autres admirateurs de l’URSS.
Arjunababo
25/02/2022 à 12:02
Bonjour,
A part caricaturer l'idéal égalitaire au coeur du projet communiste avec des comparaisons aussi subtiles, avez-vous des choses à redire sur le fond des critiques que Mme Arthaud formule?
Merci
Dubos
27/05/2023 à 08:03
Madame puisque vous dite que ceux sont les ouvriers qui font fonctionner les entreprises ok
alors dites leurs aussi de les créer avec leurs argents alors là ils feront ceux qu ils veulent. Et arrêtéz s il vous plaît mettez vous à la retraite. Merci .
Ceci est ma pensée suite à votre passage ce jour sur France 2 à télé matin.