Une catastrophe menace les Royaumes Immobiles. La princesse sans visage est l’une des seules à pouvoir prémunir le monde des Feys de s’effondrer. Loin de la Grisaille des Sœurs Carmines, Ariel Holzl revient avec une nouvelle série pleine de mystère et de cruauté. Inspirées par le classique shakespearien Songe d’une nuit d’été, les aventures d’Ivy ne font que commencer. À l’occasion de la sortie de ce dixième roman chez Slalom, nous en avons rencontré l’auteur, Ariel Holzl.
ActuaLitté : Nous nous étions déjà rencontrés en 2018, autour de votre troisième roman. Dolorine à l’école venait conclure votre première série, les Sœurs Carmines. Quel a été votre parcours jusqu’à aujourd’hui ?
Ariel Holzl : Depuis 2018, j’ai publié 7 romans supplémentaires. Ce qui équivaut à 2 romans par an. Comme c’est mon activité principale, je dois garder un rythme assez soutenu, mais j’ai la chance d’être contacté par des maisons d’édition pour monter de nombreux projets.
Votre dernier roman, La Princesse sans Visage, ouvre une série dans un nouvel univers : Les Royaumes immobiles. Comment sont-ils nés ?
Ariel Holzl : C’était un projet de dark fantasy féerique, que j’avais présenté il y a plusieurs années à Rageot. Comme il n’a pas été accepté à l’époque, je l’avais toujours dans mes tiroirs.
Ce sont des royaumes saisonniers, dont les monarques contrôlent beaucoup d’aspects. On retrouve ce type d’environnement dans Fingus Malister et je l’ai développé dans un format plus long et plus adulte. Le projet tire ses influences de grands classiques de l’univers féerique, mais aussi la pièce classique de Shakespeare, Songe d’une nuit d’été, qui a beaucoup apporté aux personnages.
Justement, outre le folklore autour du petit peuple et des fey, que vous a-t-il apporté ?
Ariel Holzl : Le Songe d’une nuit d’été se ressent particulièrement dans le traitement des personnages et les enjeux qui leur incombent. On peut par exemple citer la situation de querelle féerique entre Titania et Obéron, avec l’intervention de Puck. Le trio apparaît d’ailleurs dans le roman, avec un rôle différent.
D'autres clins d’œil interviennent – Roméo et Juliette avec le personnage de Tybalt, par exemple. Car je voulais lier la dramaturgie humaine et le monde que j’avais créé. Shakespeare est une référence dans le domaine, il s’amuse avec toute une galerie de personnages et ce, dans chacune de ses œuvres.
Dans plusieurs de vos romans, la ville devient un véritable personnage. Dans les Royaumes immobiles, les environnements semblent dotés d’une conscience. D’où vient cette fascination des lieux ?
Ariel Holzl : J’ai toujours aimé écrire de l’urban fantasy. Ce style met en avant les décors comme autant de personnages à part entière. Il y a dans les Royaumes immobiles une conscience sous-jacente à l’univers, basé sur le Glimmer qui a sa volonté propre. Les royaumes sont l’extension des reines qui les dirigent.
Cette notion m’a permis d’enfoncer le clou sur la notion de Terre vivante – une manière un peu anthropomorphique de présenter cet univers. Ainsi, je prête une personnalité et une volonté propres aux décors. Le lecteur n’est pas simplement face à des paysages classiques, mais plutôt devant des créatures environnementales. C’est ce côté cinématographique que j'ai voulu ajouter, tant dans l’utilisation des décors que pour leur donner une vie et une volonté.
Les romans où de jeunes prétendantes s’affrontent pour obtenir la couronne est un sujet populaire : qu’est-ce qui fait la particularité de votre version ?
Ariel Holzl : Effectivement, ce sont des motifs que l’on retrouve dans pas mal d’intrigues. La particularité de mon interprétation, c’est que l’on est dans un univers de tromperie où tout peut porter à confusion, loin du modèle bien cerné de certaines histoires semblables.
L’originalité vient aussi du traitement de la compétition : la couronne n’est qu’un enjeu un peu nébuleux, les prétendantes sont en lutte pour quelque chose qui va au-delà du trône. Elles s’expriment dans leurs affrontements, mais aussi et surtout à travers leurs manipulations. Si d’habitude on suit la préparation, ici on n'est jamais certain de rien, la préparation arrive en quelque sorte après l’épreuve.
Tout comme Ivy, votre personnage principal, vos romans sont généralement centrés sur des héroïnes, pourquoi ce choix ?
Ariel Holzl : Cette fois-ci, le choix d’un personnage féminin s’est imposé avec les personnages des reines. Cela permet une confrontation un peu plus évidente. On est alors sur un même plan de genre et cela permet de montrer des différences plus psychologiques. De manière générale, le choix du genre n’en est pas directement un : il s’impose à moi avec l’histoire que le personnage porte.
De toute façon, je traite les personnages de la même manière, peu importe leur sexe. Il est vrai que j’aime employer des héroïnes sans doute, car elles sont moins présentes dans la littérature.
À l’instar de Lames vives, une partie de la population des royaumes, les Boglings, souffre de racisme : pourquoi avoir repris ce thème ?
Ariel Holzl : L’injustice et la ségrégation sont des thématiques qui sont vastes avec des enjeux intéressants sur lesquels j’avais encore des choses à raconter. Dans La princesse sans visage, je me suis très fortement inspiré des monarchies et d’anciens régimes où il existait une véritable séparation entre l’aristocratie et la plèbe.
Ainsi, le traitement des classes s’est mis au service de mon propos. Le sujet rentrait parfaitement dans la thématique des Royaumes Immobiles. C’est même au centre de tout, un véritable point d’ancrage pour plusieurs niveaux de lecture que ce soit autour de l’univers comme de l’intrigue en elle-même.
Vous disiez à l’époque qu’une bonne histoire délivre quelque chose : sur quel message repose alors La princesse sans visage ?
Ariel Holzl : C’est une réflexion sur le pouvoir et plus particulièrement sur l’accès à ce pouvoir. Mais aussi sur ce que l’on en fait au niveau idéologique, et ses effets sur l’humanité au sens large du terme. Ivy est confrontée à société féerique littéralement inhumaine qui reprend malgré tout les codes de notre société. À travers le parcours de cette héroïne qui cherche sa place, on retrouve des thèmes tels que l’injustice sociale et le racisme qui la mettent face à des dilemmes moraux.
Qu’est-elle prête à faire et jusqu’où est-elle prête à aller ? Parviendra-t-elle à embrasser sa nature féerique et inhumaine ? Ses échecs ont des conséquences qui vont bien au-delà d’elle-même. Il s’agit de montrer le dépassement de soi au-delà du confort et de sa volonté propres, on parle ici de responsabilités.
Science-fiction, fantasy urbaine plus sombre frôlant l’horreur, ou plus légère et pleine d’humour... Comment navigue-t-on entre les genres ?
Ariel Holzl : Ce sont des genres qui restent de l’imaginaire. Même si les thématiques changent ainsi que les motifs, l’imaginaire reste un repli assez facile. Je navigue dedans vis-à-vis de ma capacité à me renouveler.
Je suis mes envies et mes projets. Ces variations me permettent de ne pas m’épuiser. L’imaginaire me permet de continuer à faire ce que j’aime sans jamais refaire la même chose. Je régénère mon imaginaire en allant dans un genre que je n’ai pas encore traité. J’aime être un peu touche-à-tout, m’autoriser à me disperser pour ne pas rester bloqué.
Vous vous essayez aussi à la jeunesse, au YA et plus mature encore, comment voyage-t-on entre les tranches d’âge ?
Ariel Holzl : Il y a bien entendu une forme d’adaptation. En particulier dans les descriptions crues ou dans le choix des thématiques plus dures. Même si je reste la même personne qui écrit derrière, je ne cherche pas particulièrement à adapter le fond, mais plutôt la forme. Je conserve mon univers macabre même pour la jeunesse en ajoutant simplement un peu moins de seconds degrés pour les lecteurs plus jeunes.
Les contes de fées à l’origine étaient très morbides et très cruels, je suis convaincu que les plus jeunes ont cette capacité à comprendre ce genre de thématiques aussi.
Que va-t-il advenir ensuite ?
Ariel Holzl : Le tome deux des Royaumes Immobiles arrivera au printemps prochain et, en attendant, le 19 octobre sortira Pax Automata chez l’école des loisirs : un one shot d’uchronie steampunk. Cela se déroule au XIXe siècle à Paris avec pas mal d’automates. C’est un roman jeunesse, tiré d’une des nouvelles que j’avais écrite pour l’anthologie du festival des Imaginales. Si, à l’époque, je l’avais écrite pour des adultes, je l’ai adaptée en roman plutôt destiné à la jeunesse.
Photographie : Ariel Holzl
Paru le 12/05/2022
396 pages
Slalom
16,95 €
Paru le 24/05/2018
272 pages
Mnémos Editions
17,00 €
Paru le 15/11/2019
336 pages
Mnémos Editions
18,00 €
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