Éditrice de tous les ouvrages de Luca Di Fulvio, la maison Istya (ex Slatkine & Cie) vit un moment paradoxal – entre l’adieu à l’homme et ami et le plaisir de voir son roman paraître. Avec un tirage initial de 24.000 exemplaires et une mise en place de 15.000, l'ouvrage a déjà suscité une réaction dithyrambique parmi les libraires, certains le préfèrent même au Gang des rêves (trad. Elsa Damien).
Le 05/09/2023 à 11:34 par Nicolas Gary
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Publié le :
05/09/2023 à 11:34
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« Je suis ravi de partager l’enthousiasme qui entoure cette nouvelle parution », assure Louis Bovet. Mais la satisfaction se nuance : l’écrivain italien est décédé le 1er juin dernier. Une disparition soudaine qui a marqué les processus de relecture et d’édition — rendant ce livre encore plus poignant.
« Ce dernier opus de Luca est plus sombre et puissant que les précédents, avec une structure narrative renouvelée, un véritable cadeau pour ses lecteurs. » Écrit durant le confinement, ce livre présente un aspect de huis clos, très différent des précédents ouvrages de l’auteur. Luca, diagnostiqué de la maladie de Charcot au début du confinement 2020, a vécu cette période avec intensité en Italie.
Dans ce roman, Luca Di Fulvio nous emmène en Italie à l’époque de Copernic. Il met en scène deux protagonistes confrontés à des choix difficiles dans un contexte de chasse aux sorcières. L’histoire combine amour, science et foi, offrant à la fois de l’émotion et du suspense.
Avril 1633, dans un petit village italien. Susanna et Daniele ont grandi ensemble au monastère, élevés par des moines. Ils sont proches comme des frères et sœurs. Susanna a déménagé dans un couvent et découvre sa féminité en plein cœur de la terrible Inquisition et des accusations de sorcellerie. Pendant ce temps, Galileo est jugé à Rome pour ses croyances en l’héliocentrisme. Susanna est aussi dans la tourmente : accusée de meurtre et de sorcellerie, elle risque d’être brûlée vive. Le pire ? Daniele est parmi ses accusateurs.
– Le Paradis caché, de Luca Di Fulvio
Le livre est dédié à Elisa avec cette adresse : « À ma femme Elisa, le soleil autour duquel je ne cesserai jamais de tourner. » Il se lit comme un manifeste contre l’obscurantisme : « Ce livre est plus qu’une simple publication, c’est un hommage à un écrivain génial qui nous a quittés trop tôt », reprend Louis Bovet.
Elsa Damien, la traductrice renommée d’Elena Ferrante, a entretenu une correspondance riche avec Luca, le seul auteur à lui avoir jamais écrit. Il disait souvent que ses traducteurs français et allemands écrivaient mieux que lui. Le livre aborde des thèmes forts comme la violence faite aux femmes, et se veut résolument féministe.
Le romancier originaire de Rome aura progressivement conquis tant les lecteurs que les libraires, dans cet ordre ou l’autre, d’ailleurs. « Certains libraires étaient si convaincus qu’ils vendaient même ses livres avec une offre “satisfait ou remboursé”, témoignant de leur confiance. Et ils nous ont assuré n’avoir jamais remboursé qui que ce soit. »
Pour ses éditeurs français, la découverte originelle s’est faite en août 2016. « Son dernier livre se retrouvait parmi les meilleures ventes du Spiegel. Et en découvrant Le Gang des rêves, nous avons immédiatement voulu l’intégrer à notre catalogue. » Un appel à Mondadori, l’éditeur italien, qui temporise et tente de joindre Gallimard et Albin, les précédents éditeurs de Di Fulvio. « C’était l’été, personne n’a répondu. Et nous avons conclu avec Mondadori pour l’achat des droits de traduction… »
Quelques jours après, les éditrices des éditions Pocket faisaient l’acquisition des droits poche des livres de Luca et deviendront un maillon essentiel dans le développement du succès du Gang des rêves (300.000 exemplaires vendus) et des autres livres de Luca.
REPORTAGE - L'incroyable aventure de Luca di Fulvio
Or, paradoxe de plus — ou anecdote qu’il plaisait à Luca de souligner — malgré son succès à l’étranger (France et Allemagne tout particulièrement), Luca a convaincu le public du Bel Paese. « Pour plaisanter, il répétait que ses livres traduits en allemand ou français étaient bien meilleurs que ce que lui écrivait en italien et que ses traductrices écrivaient mieux que lui. » Pour autant, son épouse a décidé de promouvoir l’héritage littéraire que laisse Luca et Le Gang sera prochainement réédité en Italie.
« Nous espérons relancer sa popularité dans son pays natal », assure Louis Bovet. Signe des temps qui changent, comme le chanterait Bob Dylan, ce nouveau roman, ce Paradis caché semble convaincre plus encore les libraires. « Ses précédents titres recueillaient plus d’enthousiasme en Province qu’à Paris, auprès des librairies. Mais avec ce dernier roman, les établissements parisiens et franciliens nous suivent plus que jamais. »
EXTRAIT – Le paradis caché, ultime roman de Luca Di Fulvio
La mobilisation des représentants chez Interforum aura permis de toucher, sensibiliser, mobiliser plus largement. « Ils ont été essentiels pour faire connaître l’ouvrage », se félicite-t-on chez Istya. « Les objectifs de mise en place ont été largement dépassés. »
Luca, d’une grande pudeur, avait présenté son livre en vidéo, alors qu’il était très affaibli, devenant presque un porte-voix des autres malades. « Un tsunami d’amour. Vous ne savez pas à quel point c’est beau. J’aurais voulu répondre à chacun par une phrase, mais mes mains sont en grève. Une mutinerie de l’équipage musclé est en cours sur le navire Di Fulvio. Mais j’ai beaucoup de chance. Je sais que cela peut paraître étrange de la part de quelqu’un qui a le malheur d’être atteint de la maladie de Charcot. Mais je vois les choses telles qu’elles sont. »
« Face à ce témoignage, on a ressenti quelque chose d’étrange, de rassembleur. » Toute l'énergie qu'il était encore capable de communiquer.
Pour ce livre, la maison parisienne salue également le travail éditorial réalisé avec l’éditrice allemande Iris Gehrmann de Bastei Lübbe qui « a joué un rôle crucial dans toute l’élaboration du texte. Luca nous parlait de l’écriture, partageait les évolutions, les doutes, mais Iris était toujours là pour l’orienter ». Même si, de temps à autre, Luca Di Fulvio ne se refusait pas un clin d’œil.
Ainsi, dans Mamma Roma apparaît un personnage, baptisé Zouave. Pourquoi ? Une référence à un trajet en taxi, passé avec ses éditeurs français… sous le Pont de l’Alma. « Luca adorait ces facéties. Il s'en amusait, comme un enfant se régale de ses plaisanteries. »
Crédits photo : Elisa Di Fulvio
Paru le 24/08/2023
588 pages
Slatkine et Cie
23,00 €
Paru le 02/06/2016
715 pages
Slatkine et Cie
23,00 €
Paru le 09/09/2021
685 pages
Slatkine et Cie
23,00 €
Paru le 12/09/2019
653 pages
Slatkine et Cie
23,00 €
Paru le 05/04/2018
636 pages
Slatkine et Cie
23,00 €
Paru le 08/04/2003
352 pages
Editions Gallimard
13,70 €
3 Commentaires
CHARRAUD Danielle
06/09/2023 à 17:11
Bonjour,
J ai lu tous les livres de Luca Di Fulvio.
J avais noté la date de sortie de Paradis Caché que je suis vite allée chercher le jour même.
J ai beaucoup aimé et au cours de ma lecture j ai souvent pensé à Luca qui venait de se cacher au paradis et aussi à sa santé lorsqu il écrivait.
Je garde précieusement tous ses livres que je relirais.
Cordialement
Lio14
06/10/2023 à 12:04
J'ai adoré:"Le gang des rêves" et :"Mamma Roma" et je vais lire à partir d'aujourd'hui:"Le Paradis caché".
Très choqué par la disparition de Luca Di Fulvio, le 31/05 dernier, à l'âge de 66 ans.😢
miette
30/01/2024 à 08:43
C'est un écrivain hors du commun,j'adore tous ces livres,je ne savais pas qu'il était décédé,cela me rend triste,vraiment.