Annoncé en juillet 2022, l'accord de branche pour lutter contre le harcèlement moral, les violences et le harcèlement sexuel et sexiste dans l'édition a finalement été signé, le 6 octobre dernier. Il a presque fait l'unanimité entre les partenaires sociaux, du Syndicat national de l'édition à la CGT-FO, en passant par la CFDT. Ses dispositions sont applicables dès à présent.
Le 15/11/2023 à 11:44 par Antoine Oury
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Publié le :
15/11/2023 à 11:44
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Attendu de longue date, l'accord de la branche édition pour lutter contre le harcèlement et les violences sexistes a été signé le 6 octobre dernier par une partie des partenaires sociaux, avant d'être publié. Il doit désormais être étendu à toutes les entreprises du secteur, mais peut déjà s'appliquer au sein de celles qui sont adhérentes aux organisations signataires.
Cette entente autour d'un plan et de moyens de lutte contre le sexisme fait suite à plusieurs événements : le cas Stéphane Marsan, ancien président et administrateur de Bragelonne, l'affaire Matzneff, écrivain que l'on a revu dernièrement chez Gallimard, ou encore, plus récemment, l'auteur de BD Florent Ruppert, cité par les témoignages de plusieurs femmes dans une enquête de Mediapart.
« Cet accord s'inscrit dans la volonté claire de la branche en matière de prévention des risques, de respect de la dignité des personnes et de garantie de leur santé physique et psychique », indique le document en préambule, en rappelant par ailleurs « les obligations de moyens et de résultats qui incombent à l'employeur, en matière de prévention du harcèlement, et de protection de la santé et de la sécurité des salariés ».
L'accord définit pour commencer le principe de dignité des personnes ainsi que le cadre général de la lutte contre les violences au travail et le harcèlement sexuel et moral, laquelle « s'inscrit dans l'obligation générale de sécurité qui incombe à tout employeur ».
Les parties entendent aussi souligner que le harcèlement, avec les mécanismes qui le sous-tendent, « est avant tout la manifestation d'un rapport de pouvoir et de domination », tel que le rappelle le ministère du travail dans son guide pratique et juridique, Harcèlement sexuel et agissements sexistes au travail : prévenir, agir, sanctionner.
– Accord relatif à la lutte contre le harcèlement moral et sexuel, les agissements sexistes dans le secteur de l'édition de livres
Harcèlement moral, harcèlement sexuel, propos et agissements sexistes et agressions sexuelles sont ensuite définis, en s'appuyant sur des éléments du Code du travail et du Code pénal.
Les dispositifs de prévention suivent, en commençant par le règlement intérieur de l'entreprise et la mise en place d'affichages (qui participent de l'information collective des salariés), mais aussi la mise à jour du Document unique d'évaluation des risques professionnels (DUERP). L'information des salariés se fera également de manière individuelle, avec la distribution, pour les nouveaux recrutés, d'un livret « comprenant toutes les informations relatives aux actions de prévention mises en place dans l'entreprise en matière de lutte contre les agissements sexistes et le harcèlement au travail ».
Les entretiens annuels, au moment de l'évocation des conditions de travail et du bien-être du salarié, devront par ailleurs aborder ces points, « l'occasion de discuter de toute situation de harcèlement ou de violences au travail dont le salarié pourrait être victime ou témoin ».
L'employeur, donc, mais aussi les services de ressources humaines, le référent harcèlement et agissements sexistes (dans les entreprises de plus de 250 salariés), le comité social et économique, les organisations syndicales et les salariés eux-mêmes sont désignés comme acteurs de la prévention, au sein de l'entreprise. Si les entreprises n'ont ni CSE ni représentants du personnel, les organisations syndicales de salariés et l'organisation syndicale patronale se tiennent à disposition.
En dehors de ceux-ci, les services de santé au travail, l'Inspection du travail, les Associations régionales pour l'amélioration des conditions de travail (ARACT) et les Commissions paritaires régionales interprofessionnelles (CPRI) sont à disposition pour participer à la politique de prévention et de lutte contre les harcèlements et les violences sexistes.
Au rayon des actions à mettre en œuvre dans les entreprises de la branche, l'accord prévoit des formations et sensibilisations, sous 24 mois, ainsi qu'une campagne annuelle via l'intranet ou la diffusion du kit d'information fourni par le SNE. Au niveau de la branche, une campagne est attendue dans les trois prochains mois, avec la mise en place d'une initiative récurrente, a minima tous les deux ans. Les entreprises et leurs salariés peuvent aussi bénéficier du plan de lutte contre les violences et le harcèlement sexistes et sexuels mis en place par l'AFDAS.
Une adresse mail dédiée au signalement de faits doit être créée, et les coordonnées du référent harcèlement et agissements sexistes diffusées auprès des salariés. Les signalements découlent de dispositifs de droits d'alerte introduits par le Code du travail, et donneront lieu à une procédure d'enquête et de traitement.
L'enquête a deux objectifs principaux :
– chercher à établir un faisceau d'indices et/ou réunir les preuves permettant d'étayer la réalité des faits allégués de harcèlement moral ou sexuel en recueillant les témoignages des personnes impliquées directement (victime et auteur présumés) et indirectement (témoins, responsables hiérarchiques, médecine du travail...) ;
– conclure si les faits sont ou non constitutifs d'une présomption de harcèlement.
– Accord relatif à la lutte contre le harcèlement moral et sexuel, les agissements sexistes dans le secteur de l'édition de livres
Protection des témoins et lanceurs d'alerte, confidentialité des échanges, écoute active, impartialité et respect du contradictoire devront être assurés par les procédures internes des entreprises, ou par les tiers spécialisés éventuellement convoqués.
« Lorsque qu'une situation de harcèlement est signalée, l'employeur doit agir rapidement afin de faire cesser les faits, de protéger des facteurs de risques les salariés concernés, et ce à titre conservatoire (mise à pied de l'auteur, mise en congé, changement de poste provisoire, détachement hiérarchique, etc.) même avant la fin d'une enquête interne, si nécessaire », rappelle l'accord de branche.
Un médiateur professionnel, extérieur à l'entreprise, pourra intervenir, notamment lorsqu'une enquête n'a pas pu conclure à un contexte de harcèlement avéré. Une cellule d'écoute psychologique sera mise en place par la branche de l'édition de livres, accessible par téléphone, mail et sur internet.
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Conclu pour une durée déterminée, l'accord entre en vigueur dès maintenant pour les entreprises adhérentes des organisations signataires, et après la date d'extension pour les autres. Notons que l'accord s'applique « également à tout tiers à l'organisation des entreprises du secteur de l'édition de livres, avec lesquels ces dernières ont une relation contractuelle (artistes auteurs, prestataire, libraires, festivaliers, etc.) ».
Les auteurs et autrices, particulièrement exposés en raison de relations de travail parfois informelles et d'une vulnérabilité plus importante aux pressions professionnelles et financières, sont donc aussi concernés par l'accord.
Le document est accessible ci-dessous.
L'article indiquait auparavant que tous les partenaires sociaux avaient signé l'accord, ce qui n'est pas le cas. La Filpac-CGT et l'UFICTLC-CGT ne l'ont pas fait.
Photographie : Manifestation, le 8 mars 2020 à Paris (illustration, Jeanne Menjoulet, CC BY 2.0)
2 Commentaires
Aurelien Terrassier
15/11/2023 à 12:40
C'est une très bonne chose. C'est très bien que les partenaires sociaux ont pu signer une charte commune contre le harcèlement moral et les violences sexistes et sexuelles dans le monde de l'édition.
Bravo Sébastien
15/11/2023 à 20:09
Bravo à Sébastien Abgrall pour cette accord signé par tous les partenaires sociaux. Pourvu qu'il soit appliqué et respecté dans les entreprises de la branche de l'édition.