Ainsi parlait ma mère

Il y a la ferme avec son étable et ses bêtes auprès desquelles il fait bon trouver un peu de chaleur.

Il y a Sony qui aboie dans la petite cour et qui reçoit trop souvent des coups de pied de Papa.

Papa qui a longtemps été si proche de Marthe avant de s'enfermer derrière une inexpliquée brutalité à l'égard de toute sa famille. Brutalité dont Maman subit les affres en voulant protéger Marthe et Léonce de ces accès de fureur sourde et violente. Brutalité dont Marthe et Léonce veulent protéger Maman qui accumule bleus et bosses.

Au dehors, il y a l'école et ces enfants qui stigmatisent le frère et la sœur, Marthe et Léonce, qui font bloc, soudés comme les doigts de la main, et qui tentent de trouver dans l'enseignement de Mademoiselle Nathalie autant un échappatoire qu'un lieu de survie.

Il y a aussi Myriam, l'amie de Marthe, la voisine qui sait la violence mais ne peut que proposer un peu de baume pour atténuer les douleurs.

Jusqu'au jour où cette violence, atteignant son paroxysme, va définitivement briser ces vies.

Pour faire raconter par Marthe l'enchaînement inéluctable de ce drame, a trouvé le ton juste dans une écriture remarquable de sensibilité, de finesse et de douceur malgré le propos terrible.

Les mots mis bout à bout, sans lien entre eux, traduisent admirablement ce qu'ils ne veulent pas, ne peuvent pas dire tout net. C'est en imaginant « la route de l'autre côté du brouillard » que se raconte une histoire où les mots trop terribles sont elliptiquement remplacés par d'autres qui donnent un sens sans pour autant avoir la brutalité de la réalité.

C'est une sorte de voile posé sur le quotidien avec une élégance extrême qui suggère les émotions plus qu'il ne les raconte (sauf cet amour pour Maman), un peu comme si le film se déroulait sans les acteurs qui resteraient totalement extérieurs à leurs personnages pour éviter d'être broyés par eux.

Pourtant la tragédie est tellement prégnante, depuis tellement d'années, après tant de désespérance, de peur, d'angoisse quotidienne, d'incapacité à se protéger, à anticiper, que les âmes sont irrémédiablement marquées au fer rouge malgré toutes les tentatives de les enfouir.

Les mots utilisés ne sont pas ceux de la réalité mais le leurre est insuffisant. Tout le méli-mélo de mots n'arrive pas à l'étouffer : elle reste là, toujours, froide, inéluctable.

C'est un magnifique texte terrible dont Eschyle, omniprésent, n'aurait pas renié ni l'écriture poétique, ni le caractère tragique.

Hmmm, voici du polar qui résonne avec une étonnante actualité. Ce n’est pas l’histoire d’une femme qui tue son mari, mais celle d’une avocate dont le mari est arrêté pour meurtre.

Un époux qui tournait au vinaigre, alors que sa propre carrière n’allait pas vraiment bon train – et la résidence secondaire de la famille, où il accueillait sa maîtresse devenait un brin gênante.

Alors quand il est accusé d’avoir tué celle avec qui il trompait sa femme, Sarah, personne ne comprend pourquoi l’avocate-épouse-trompée décide de prendre la défense de son mari.

Et pourtant…

Les connaît-on si bien, ces créatures de la nuit ? Outre le Dracula de Bram Stoker, qui a consacré leur existence dans la littérature, d’où viennent réellement les vampires ? Comment un sociologue et directeur de recherche au CNRS y trouverait-il un sujet d’étude sérieux ?

Pourtant, Arnaud Esquerre offre ici un portrait particulièrement original de ces créatures — qui posent, en filigrane, la question fondamentale : comment vivre en se sachant mortel ?

Entre Voltaire, Karl Marx et la série True Blood (et bien d’autres références), nous assistons à une généalogie, moins de ces étranges êtres vivants bien que mort, que du terme même de vampire.

Pourquoi leur a-t-on prêté la faculté d’une métamorphose en chauve-souris, sinon en considérant que des zoologistes ont baptisé vampire une des variétés de chiroptères ?

Si ces suceurs de sang donnent au théoricien politique russe matière à penser la société, c’est pour le parallèle qu’ils offrent : d’un côté la masse des travailleurs, de l’autre, ceux qui les exploitent, puisant dans leurs ressources physiques de quoi créer du capital…

Vampire, vous avez dit vampire ?

Frédéric vit avec sa mère, sa sœur et son frère dans un petit appartement de banlieue parisienne depuis que son père est décédé dés suite d'un cancer fulgurant...
Jusque là rien de bien amusant, mais quand Frédéric, un peu honteux de cette vie, se met a s'inventer une mère actrice et qui plus est la célèbre Lola Riviera, mixe inventé par l'auteur de Catherine Deneuve et de Monica Bellucci, la vie de Frédéric se reconstruit autour d'une imposture.

Sans être le livre de la rentrée jeunesse, est un bon livre sur le mensonge porté a son paroxysme et dont les conséquences pour ne faire de mal aux personnes aimés peut faire réfléchir. Heureusement, la fin, bien qu'un peu attendu, apporte un peu de soleil à ce récit doux-amer.

Joseph est un petit garçon aussi unique que tous les autres petits garçons. Et sa maman est presque semblable à toutes les mamans: elle est carrément envahissante. Elle est même “partout”. Pas seulement dans la cuisine, la buanderie, le potager, au travail ou au supermarché... Non, non, vraiment partout ! Jusque dans le cartable de Joseph! Bah oui: quelle maman hésiterait à rétrécir pour se glisser entre les cahiers de son petit chéri, histoire de s'assurer qu'il mange bien son goûter ?

Et puis quelle maman refuserait de devenir une géante, afin de terrifier les petits voyous mal intentionnés? Celles qui ont lu Dolto, sans doute, mais pas la maman de Joseph, ça, c'est sûr ! Car, comme elle le répète volontiers, les mamans, quand elles aiment vraiment leurs enfants, ont tous les pouvoirs...

Avec , Nathalie Kuperman nous décrit une jolie relation mère-fils comme il ne semble en exister que dans les caricatures. Qu'à cela ne tienne: c'est drôle, bien écrit, senti, pensé... Intelligent, quoi ! Les illustrations d'Aurélie Guillerey sont exquises: son style, à la fois délicieusement rétro et hyper créatif, sert merveilleusement bien l'histoire. Tous seront immanquablement séduits par l'ensemble.

Les parents adoreront cette matrone un brin hystérique, qui ne recule devant rien, omnipotente et collante à souhait ! Quant à leurs bambins, ils se reconnaitront peut-être en Joseph, notre petit héros tiraillé entre son amour certain pour sa maman et son envie folle de grandir. À offrir d'urgence aux mères un chouïa trop passionnées et à leurs enfants agacés.

« Le cycle d’une marée compte plusieurs phases. Le flot : la mer monte durant 5 à 6 heures, c’est un moment dangereux, pendant lequel les promeneurs et nageurs imprudents peuvent se retrouver emprisonnés. La pleine mer : la marée montante atteint son point culminant. L’étale : plus rien ne bouge, le courant est nul, il dure une vingtaine de minutes. Le jusant : la mer redescend jusqu’à son niveau initial et laisse réapparaître, cinq à six heures plus tard, ce que la marée montante avait englouti, rochers, coquillages, seaux, râteaux. Cadavres du passé. »

Au cœur d’une nuit agitée, sur un voilier balayé par la tempête, Morgane Le Dantec se retrouve à tenir une arme et le corps sans vie de Glenn Bennec, soupçonné d’être impliqué dans la disparition de sa fille, âgée de dix-sept ans.

Juste quelques jours auparavant, l’affaire Bennec était prise en charge par une jeune capitaine de police, Nina Kaminski. Ce professeur de sport avait été accusé de meurtre 3 mois plus tôt, mais avait été libéré suite à un vice de procédure.

En passant au crible le dossier de l’affaire, Nina constate rapidement plusieurs incohérences dans l’enquête. Un détail particulier l’interpelle : Morgane et sa fille Océane semblaient toutes deux être attirées par le charismatique professeur. Étaient-elles rivales ? Glenn Bennec, qui n’a cessé de clamer son innocence depuis le début, pourrait-il effectivement ne pas être coupable ?

Voilà une lecture qui réserve un final saisissant — de toute manière, elle aura tenu en haleine d’un bout à l’autre de l’intrigue : suspens, tension, angoisse, tout est là. Un roman qui se vit comme une apnée, ballottant le lecteur pris dans le flux et le reflux d’un passé et d’un présent qui s’entrecroisent sans cesse... au rythme d'une marée.

Petit guide destiné aux 8-12 ans (mais aussi bien après, je considère qu’il n’y a aucun “âge maximum” pour les livres) pour se sentir mieux et s’accepter tel que l’on est.

Les titres de chapitres sont chouettes : “Le vernis à ongles a été inventé pour… les ongles !”, “Les cheveux longs, c’est avant tout une histoire de…goût !”, “Les poils, c’est vraiment dégoûtant sur… les pizzas !”

Le texte est drôle, bref, encore un documentaire très chouette édité par les très très chouettes de La ville brûle. À mettre dans toutes les bibliothèques, CDI et maisonnées.

Dans tous les contes, les belles-mères sont d'horribles marâtres qui font du mal aux enfants de leur nouveau mari. Cendrillon est transformée en souillon par... sa belle-mère, Blanche-neige croque la pomme empoisonnée tendue par... sa belle-mère... Bref, les belles-mères n'ont pas la cote. Et lorsque le papa de Léa annonce qu'il a une amoureuse, c'est la fin des temps! Léa sait bien que Paulette, sa nouvelle belle-mère, porte un déguisement pour cacher son nez de sorcière et qu'elle tente de la tuer dès qu'elle le peut. Mais est-ce vraiment la réalité?

Entre les collages et les mélanges de crayons et de techniques numériques, les visages se transforment et traduisent bien la peur de Léa. Quant au texte, très simple, il retranscrit avec une grande justesse les craintes injustifiées de la petite fille. Pas de doute, après avoir lu de Catherine Lepage, les préjugés s'envoleront et rejoindront le pays des contes!

Auteur prolixe (plus d'une centaine de livres de littérature jeunesse), , accompagné pour cette histoire par , illustratrice nantaise formée à l'ESAD de Strasbourg, met en scène un petit garçon courageux et plein d'énergie, déterminé, amoureux et plutôt heureux, Petit Paul.

D'humeur joyeuse, ravivé par le retour du printemps, le jeune garçon enfourche son vélo pour rejoindre la maison de son amie Mily Rose, dans l'intention de lui offrir un foulard coloré. Dans un environnement bucolique et familier, entre lac, forêt, vastes champs et collines, il sillonne routes et chemins pour rattraper le foulard que le vent, plutôt joueur, vient d'emporter loin de la maison de Mily Rose.

Animé par une petite fierté, il est bien décidé à ramener l'objet précieux et s'enhardit au fil de sa course. Prudent mais audacieux, il dépasse tous les obstacles, détourne ses peurs, et grandit page après page.

Une histoire initiatique sensible, empreinte de poésie, attentive à la nature qui resplendit, s'illumine à travers la douceur du printemps et la tendresse du jeune héros pour son amie. Jamais mièvre, le récit est porté par le caractère héroïque et en même temps délicat de l'enfant qui mord la vie. Sans véritable embûches ni mésaventures, l'histoire progresse docilement, gagne réellement en profondeur avec l'éclat des illustrations lumineuses, la variété des couleurs, pleines de fraîcheur.

Tout aurait pu rester ainsi, mais un coup de vent emporta le foulard que Petit Paul avait posé sur un rocher en attendant son amie. Le tissu de soie vola au-dessus du lac, comme un drôle d’oiseau maladroit. Il frôla l’eau, puis s’éleva, s’éleva encore. Aussitôt, Petit Paul enfourcha son vélo et pédala pour rattraper le foulard.

L'ensemble convainc. Dès quatre ans.

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