créateur Simpsons

Depuis le temps que je louchais sur Rockyrama... La grande force de cette revue, qui pèse aussi sur son prix assez élevé, selon moi, c'est le design, la mise en page, un goût pour le visuel qui donne, à lui seul, envie de regarder plus de films, de séries, d'images tout simplement.

Les textes et articles de la revue ne sont pas à écarter, bien entendu. Ils allient qualité, fluidité, des angles assez audacieux et une accessibilité certaine, qui correspond à une certaine cinéphilie qui privilégie la découverte à l'érudition - c'est mon sentiment.

Rockyrama n°34 vient de paraitre, avec Les Simpson, The French Dispatch de Wes Anderson, Alex Cox, Get Back...

(Delcourt) est bien sympathique. Il est issu d'un blog (un tumblr pour être techno-spécifique) où la Californienne Liz Climo met en scène des animaux divers et variés, et d'autres créatures telles que momies ou machines à laver, affligées de divers tracas. 

chronique BD avec BDfugue

Façon de s'abstraire de son boulot de tous les jours, qui n'est pas banal pour autant : un travail dont vous voyez l'aboutissement dans la série animée "Les Simpson", où elle est en charge des story-boards depuis une dizaine d'années ! Son album, découpé par saisons, présente sur chaque page un simple dessin, ou des strips plus ou moins développés. 

Le ton est humoristique, mais plus varié qu'on peut le penser si l'on s'arrête à la couverture ou que l'on se contente de feuilleter quelques pages. Le trait de Liz Climo est plein de fraîcheur et d'expressivité, ses couleurs douces et délicates, toutes ces qualités mises au service d'un univers trop trop mignon !!! Mais pas mièvre, bien au contraire... 

Sous son aspect de livre pour enfants, Le petit monde de Liz offre plusieurs niveaux de lecture. Assurément, certains gags à caractère familial sont charmants. Juste charmants. Les jeux du papa dinosaure et de son fils, qui reviennent à intervalles réguliers, ne peuvent que rappeler des situations vécues par tout père de famille. C'est naïf et gentil tout plein, ce qui n'est déjà pas si mal. Mais beaucoup d'autres strips sont futés et visuellement percutants, ce qui est remarquable au regard de la simplicité du graphisme. Et certains sont même carrément loufoques !!! 

On y voit des animaux qui, tels des humains moyens, parlent, mangent ou boivent. Ils draguent leurs congénères, organisent des soirées déguisées, élèvent leurs enfants et jouent au bord de la mer ou ailleurs. Tout ça un peu laborieusement, et en ratant souvent leur but. Il y a des jeux de mots un peu foireux et beaucoup de dialogues complètement décalés, parce que sortant de la bouche - pardon, de la gueule ou du bec ! -  d'animaux de toutes espèces. 

Le petit monde de Liz

sur BDfugue.com

En quelque sorte, on s'aventure dans l'envers du décor des livres pour enfants, une sorte d'univers fictif où les comédiens à poils et à plumes interprétant ces histoires destinées à un jeune public ont une vie privée fort proche de la nôtre. J'ose une hypothèse : Liz Climo connaît et aime Gary Larson, et lui rend hommage dans son livre. 

Ah, Gary Larson !!! Il y a une vingtaine d'années, ses albums et ceux de Glen Baxter sont enfin commodément disponibles en France, et traduits aussi bien que possible : je découvre alors les oeuvres de ces maîtres du "nonsense" avec délectation. L'anglais Baxter est un de ces excentriques que le Royaume-Uni semble fabriquer à la chaîne, lorgnant vers Magritte ou Érik Satie en ornant ses petits tableaux faussement banals de sous-titres absurdissimes. 

Mais j'avoue ma préférence pour l'américain Larson, plus grinçant et dont le dessin me fait mourir de rire. Que ses fans me le permettent : Liz Climo se hisse à sa hauteur plus d'une fois !

Certes, avec plus de tendresse et moins de noirceur, mais qu'ils fassent le test d'ouvrir Le petit monde de Liz à certaines pages, une bonne surprise les y attend !!!

On peut aussi retrouver le Tumblr de Liz Climo

L'humour, décliné sous toutes ses formes, chez BDfugue

Parfois, je range ma bibliothèque... en commençant par les dernières lettres de l'alphabet ! et (Urban Comics) s'y trouvent l'un à côté de l'autre. Et je me souviens... 

La chronique BD, avec BDfugue.com

À la fin des années 80, j'écoute France Culture, et plus précisément le "Panorama" à l'heure du déjeuner. On y parle de sujets variés, et les intervenants ont autant d'esprit que d'érudition. Les nouveautés BD font l'objet de commentaires réguliers, avec un louable souci d'éclectisme. 

À cette époque, les éditions Zenda nous révèlent tout un pan de la bande dessinée américaine, et je peux suivre au fil du temps les parutions en albums séparés de V pour Vendetta et des Gardiens (in french in the texte !) qui font l'objet de chroniques radiophoniques dithyrambiques !!!

Alan Moore, David Lloyd

V pour Vendetta, sur BDfugue

Pour moi qui n'apprécie guère les Comics, c'est louche... 

Mais je tente une lecture : bingo, ça me plaît ! J'entre ainsi dans l'univers du scénariste Alan Moore : un personnage hors normes, d'une envergure intellectuelle inhabituelle dans le petit monde de la bande dessinée.

Et même son look est assez spectaculaire, mais logique au vu de ce qu'il écrit : on l'imagine mal ayant une tête de comptable (pardon pour les comptables qui me lisent) ! 

V et Watchmen paraissent à peu près simultanément et on est tenté de les rapprocher, mais ils sont profondément différents.

Le premier, V pour Vendetta prend le parti d'une narration assez classique : dans une Angleterre fasciste qui se relève d'une crise mondiale, un homme assassine les principaux dignitaires du régime. Victime de tortures et d'expériences médicales, la vengeance semble être sa motivation principale, mais est-ce la seule ? 

Les références, notamment littéraires, abondent dans ce récit, à commencer par le masque du "héros", allusion à Guy Fawkes, cet officier catholique pendu en 1605 suite à sa tentative de faire sauter le parlement pour protester contre les persécutions religieuses. Masque paradoxalement célèbre aujourd'hui, car utilisé par les membres du mouvement des Anonymous...

Preuve est faite que visages dévots et pieuses actions

nous servent à enrober de sucre le diable lui-même.

(D'après Hamlet, de Shakespeare)

Alan Moore, Dave Gibbons

Watchmen, sur BDfugue

Avec les Watchmen, par contre, les codes narratifs explosent !!!

L'histoire est celle de cinq justiciers et d'un superhéros, traqués par un assassin qui veut les éliminer les uns après les autres. Six personnages tout sauf exemplaires, évoluant dans un monde proche du nôtre… en pire. Une intrigue principale, de nombreuses histoires secondaires, mais essentielles, déroulées au fil de dialogues d'une subtilité incroyable : chaque mot y a son importance ! 

Watchmen utilise la bible esthétique des Comics - planches type "gaufrier" et couleurs flashy - pour mieux la pervertir avec des effets cinématographiques de zooms et gros plans. Les niveaux de lecture se multiplient et se répondent les uns les autres, rendant la matière même du livre inépuisable !!! 

L'œuvre de Moore s'enrichit régulièrement : des titres aussi étonnants que From Hell ou La ligue des gentlemen extraordinaires (Delcourt), Tom Strong, Top Ten (Urban Comics) et j'en passe, font de cet homme un créateur fascinant. 

Un de ceux qui, avec Neil Gaiman ou Frank Miller, sortent la BD américaine du pré carré cultivé par la Marvel pour la faire entrer dans le champ de la littérature...

Zep aime s'aérer régulièrement les bulles, en dessinant des gags d'une ou deux planches, sans Titeuf, le héros qui l'a propulsé en tête des dessinateurs de BD les plus appréciés du grand public. Comme il est d'humeur joyeuse, chaque album commence par un joyeux « Happy ». « Happy Girls » et « Happy Rock » étaient d'abord sortis discrètement aux Éditions Dupuis, dans la collection Expresso, sans grand succès, avant que Delcourt ne sorte en version brochée un troisième tome, plus racoleur, intitulé « Happy Sex », qui a cartonné (malgré sa couverture souple).

Dans la foulée, les éditions Delcourt on republié avec effort marketing conséquent les deux premiers tomes. On dirait que la formule de gags en une ou deux planches a trouvé son public, car voici que sort un « Happy Family » entièrement consacré aux relations parents-enfants.

Zep cherche à faire rire, il axe donc chaque planche sur les difficultés de compréhension entre générations, de la naissance à l'adolescence. Le sujet a été lu et relu, on ne compte plus les séries qui déclinent à l'infini cette problématique. Avouons-le, Zep n'a pas trouvé de formule miracle pour renouveler l'aventure. Ses parents sont aussi caricaturaux que ses enfants. Les vieux sont dépassés par les jeunes, les couples sont fatigués et les gamins bourrés d'énergie, chacun est à sa place, comme dans un vieux manuel scolaire, voire un imagier d'Épinal.

Même si les familles sont plus déstructurées et moins stéréotypées (on a droit des couples homoparentaux et à d'autres familles recomposées), les ressorts sur lesquels s'appuient les gags n'ont rien de très nouveau. C'est encore et toujours les lapsus des parents, la mauvaise compréhension des gamins, la fatigue permanente et les conflits. 

On est loin de la richesse de personnages que Frédéric Jannin, par exemple, développait chez Dupuis dans les années 80 pour sa série « Germain et nous », qui fait aujourd'hui figure de documentaire historique (quoi, des ados sans téléphone portable, sans Internet, c'est possible ?) Mais l'humour fonctionne. C'est l'essentiel, car la vaste majorité des lecteurs trouve normal que les gags puisent allègrement dans les clichés les plus plats, tant que c'est pour faire rire.

Des personnages plus variés

Comme Zep ne joue ni les explorateurs de terrain ni les sociologues, finalement, le plus intéressant dans cet album, c'est de voir l'évolution du dessin de Zep. L'auteur s'amuse en effet à varier la dégaine de ses personnages : pour qui s'attarde un peu dans les cases, on savoure les changements de coiffure, d'embonpoint, de look. Dans l'ensemble, les grands échalas et les visages à menton fuyant et grosse bouche, façon Simpsons, sont encore prédominants, mais on sent poindre des bedonnants et des trapus, des barbes taillées, des lunettes de toutes formes et des cheveux en pagaille.

Voilà qui offre une piste toute tracée pour un prochain tome : pourquoi pas Happy Fashion ? Zep aurait l'opportunité de déployer à la fois des silhouettes maigrichonnes et toutes les coupes de cheveux qu'il aura envie d'inventer. Pas d'urgence, de toute façon, au rythme auquel Zep publie, quand le prochain tome sortira, les gamins de ces Happy Family seront des ados et ses ados des adultes ! Et ils auront relu dix fois les planches de ce titre-ci

.

Amie historienne, toi qui ne manques jamais d’anecdotes croustillantes qui rapprochent notre modernité d’éclairantes lumières passées, je t’offrirai ce livre. C’est une histoire de rats, créatures que tu détestes, mais de rats à qui l’on intente un procès.

Nous sommes en 1510 et l’évêché d’Autun a décidé que ces nuisibles méritaient une condamnation radicale.

Des rats. Ou comment le monde religieux entend légiférer sur toute créature, faisant fi de la Création et du Créateur dont il prêche, quand cela l’arrange, la Bonne Parole.

Charles Daubas brille dans ce texte, moins par le plaidoyer de cet avocat chargé de défendre les rongeurs, que par le message de tolérance qui traverse l’ouvrage.

Tu vas adorer.

Kana poursuit l'exploration des oeuvres du « créateur d'estampes de Shôwa », Kazuo Kamimura, avec l'édition du tome 1 de La plaine du Kantô. Dans ce titre, le mangaka se penche sur une période très troublée au Japon, celle de l'immédiat après-guerre.

En août 1945, juste après la capitulation du Japon un avion américain s'écrase dans un champ dans la région de Chiba. Les paysans s'approchent du pilote rescapé, prêts à lui faire passer l'arme à gauche. Heureusement, un vieil homme qui semble parler anglais s'interpose et sauve la vie du pilote. Le vieil homme c'est le grand-père de Kinta, un enfant qui va faire l'apprentissage de la vie dans un Japon meurtri par sa défaite et occupé par l'armée américaine.