libraires ind%C3%A9pendants

Aujourd'hui, c'est la rentrée des classes. Jenny n'est pas enthousiaste. Heureusement, son perroquet Jack est là pour la motiver. Enfin prête, Jenny enfourche son balai – ah oui ! Jenny est une jeune sorcière ! – et file à l'école. Mais quelle n'est pas sa déconvenue quand elle découvre à la place de sa charmante institutrice Mlle Gribouillis, l'horrible Mrs Dragona ! Mais qu'est-il donc arrivé à Mlle Gribouillis ? Jack et Jenny sont là pour le découvrir !

et aident les enfants à faire leur premiers pas en anglais grâce à ces petits albums bilingues (parution simultanée de Let´s go to school with Jenny and Jack ! et Let's play with colours with Jenny and Jack !) : si l'histoire est en français, les bulles de dialogues au sein des illustrations sont en anglais. L'enfant acquiert ainsi quelques mots de base : school, teacher, pen, book… pour le livre sur l'école, red, yellow, blue… pour le livre sur les couleurs, et quelques formules : good morning, let's go, have a nice day…

Vous êtes mauvais en anglais ou n'avez pas un très bon accent ? Pas de souci : l'histoire complète en audio est à télécharger sur le site de Nathan ou via le flash code qui figure dans le livre.

Les dessins tout en couleurs d'Elsa Fouquier illustrent à merveille l'univers de la petite sorcière et de son inséparable perroquet : poignées de porte et tapis en forme d'araignée, pieds de commodes en forme de pieds de monstres, plantes carnivores…

Une collection ludique et instructive pour débuter l'apprentissage de l'anglais.

La splendeur d’un saxophone n’a pas de commune mesure : le mouvement qui associe l’instrument au musicien dévoile une complicité qui confine à la symbiose. Erik Dieter, saxophoniste précoce et génial, aura délaissé la musique pour enseigner, écrire ou la raconter. La faute à une famille qu’il a fui, pour se sauver.

Mais à la mort de sa mère, le retour dans la maison d’enfance s’accompagne de fantômes et de souvenirs… jusqu’à tomber sur une étrange photographie. Celle d’un homme, saxophone en main, relique précieusement conservée dans les affaires maternelles – et autrefois interdites.

Un mystère qui bouleverse Erik plus encore que la perte de cette mère… Qui était-ce, quels étaient ses liens avec elle.

Et pourquoi cet instrument ? Un questionnement qui vire à l’obsession, dans un roman graphique où l’horreur prend toute sa place.

Comme si la blue note avait des accents destructeurs…

Ce livre assurément déroutant, un peu dérangeant, pour , plus proche du hentai que du seinen,  retient certainement davantage par sa mélancolie, la justesse des personnages adolescents, leur infinie tristesse que par les scènes proprement érotiques.

Aucun voyeurisme, aucune vulgarité n'altèrent ce manga troublant, capable d'exprimer avec émotion et réalisme, la difficulté de vivre des adolescents, la recherche et la construction de soi-même, le rapport à l'autre dans une société japonaise contemporaine, individualiste, où  une jeune génération hyper-connectée est livrée à elle-même, sans repères ni projet d'avenir.

Une histoire très ancrée dans le réel

Koumé achève le collège. Amoureuse d'un jeune homme qui ne la désire pas, elle accepte, par dépit,  une relation sexuelle avec Isobe, un autre jeune homme, qui l'aime sans retour. Une liaison charnelle, froide, presque clinique au départ où toutes les expériences, tous les fantasmes sont permis. Masturbation, fellation, pénétration anale, les jeunes gens s'initient mutuellement, sans fard ni frein, complètement désinhibés. Extrêmement matures. Dans leurs expériences sexuelles, ils s'autorisent à être eux-mêmes.

Les dessins, souvent crûs, jamais obscènes, sont réalisés avec un sens du détail, une finesse de traits, une sensibilité juste qui ne font pas chavirer l'œuvre dans la pornographie. Les scènes sont érotiques, sans équivoque mais permettent d'approcher au mieux les sentiments complexes, les émois et malaises adolescents, la difficile relation avec les transformations du corps…

Jamais vaines,  elles  permettent de ressentir avec une vive acuité l'évolution de la relation entre les deux jeunes gens ; une relation qui  progressivement s'anime de véritables sentiments amoureux. De plus, assortie de dessins magnifiques de paysages, d'images précises et hyper-réalistes de bords de mer, de villes (parfois même sur des double-pages) intensément poétiques, l'œuvre s'imprègne peu à peu d'une dimension plus tragique, laisse percevoir des souffrances profondes chez les deux héros, les manquements familiaux, l'isolement, la dépression, la jalousie. Le drame est annoncé.

A travers cette histoire, le lecteur approche au plus près les tourments d'une jeunesse perdue, sans véritable rêve, est éprouvé, touché par le spleen ambiant, la difficulté de vivre de ces jeunes gens, s'attache véritablement, vibre avec eux dans cette société tantôt brutale, tantôt inadaptée ou indifférente à leurs fragilités, à leur peur de devenir adulte.

 Il y a chez ce jeune auteur, une pudeur et une retenue délicates, même dans les scènes les plus torrides ;  des dialogues capables d'exprimer au mieux toute la complexité des personnages.

 L'ensemble est convaincant, original et subtil et invite clairement le lecteur à découvrir le second volume qui paraîtra le 15 février 2015.

Comme chaque semaine, retrouvez notre chronique de deux titres BD : cette semaine, un rendez-vous d'après apocalypse...

Freakangels, neuf ou d'occasion

Entre les ombres d'Arnaud Boutle

Entre les ombres, neuf ou d'occasion

Les ont percé depuis une bonne décennie en bande dessinée en creusant non pas un sillon, mais des dizaines. Derrière l'étiquette générique de BD d'humour, elles ont réussi à créer une infinité de séries, dédiées chacune à une niche de lecteurs bien identifiés.

Quand on regarde le catalogue de l'éditeur, on a d'ailleurs l'impression de scanner le rayonnage « revues spécialisées » d'une librairie de gare : Vélomaniacs, les Rugbymens, les Pompiers, Triple Galop, Studio danse et ainsi de suite... chaque fanclub a droit à sa série de gags en une planche, pas toujours très réussis.

Autant dire que, comme je ne suis ni fonctionnaire, ni médecin, et encore moins informaticien, assureur ou commercial, comme je ne pratique ni le golf, ni la pétanque, pas plus que le basket ou tout autre sport d'équipe, la plupart de ces produits calibrés ne me sont pas vraiment destinés. Comme je passe plusieurs mois sur les routes, en revanche, j'ai trouvé un album taillé sur mesure pour moi.

L'Inde en sac à dos

Voyage en Inde est le deuxième volet de la série Voyage en... (le premier était consacré à la Chine). On y suit les périples au bout du monde Ben et Nina, trentenaires passionnés par les vacances au bout du monde. Même si, au rythme d'un gag par demi-planche, le lecteur fatigue un peu, cet album se lit comme un carnet de voyage au pays du Taj Mahal et des incompatibilités digestives.

Les complications médicales et les risques sanitaires servent d'ailleurs de fil rouge : depuis les premières planches qui racontent les préparatifs, jusqu'au retour en France, la médecine du voyage est à l'honneur. On aura entre-temps fait étape à New Delhi et Jaipur, croisé des éléphants et des vaches, visité un ashram, des temples, un cinéma et des tas de marchés. Pour compléter l'album, une dizaine de pages à la fin du livre juxtaposent photos de voyage et dessins, retraçant le parcours des héros, Ben en Nina, sur la carte du pays. On a ri, oui, mais on a aussi voyagé.

Des tandems bien rôdés

Au scénario, Béka (derrière ce pseudonyme se cachent Caroline Roque et Bertrand Escaich) sait comment manier l'humour grand public : les deux auteurs ont en effet cosigné les gags d'une quarantaine d'albums, chez Bamboo principalement (notamment Studio Danse, les Rugbymen et les Fonctionnaires). Ils parviennent ici à mettre en lumière les particularité du sous-continent indien, à jouer des clichés touristiques et des préjugés des voyageurs, pour faire sourire les lecteurs.

Côté dessin, Marko au trait et Maëla Cosson à la couleur donnent à voir des cases colorées, remplies de personnages aux traits épurés et arrondis (deux grands yeux noirs, un bout de nez et un trait pour la bouche), façon illus pour enfants, qui donnent à toutes ces péripéties de voyage, une tonalité souriante et dédramatisée. Le tout dans des décors dessinés d'après photo mais assez fidèles.

Prochaine étape : le Japon

Ben et Nina l'annoncent dès a dernière planche, leur prochaine étape est le Pays du Soleil levant (et des sushis, et su sumo, et de Fukushima...). On les y retrouvera volontiers. Mes enfants aussi. Ils ont adoré l'album, qu'ils ont dévoré comme un numéro spécial de Géo-Ado.

Vous ne connaissez pas les et, pour cause, cette entreprise familiale spécialisée dans les horloges suisses n'existait pas avant qu' ne l'imagine pour les besoins de son nouvel album. Pour le dire en une phrase, chez Bouzon, ce sont de drôles de cocos qui fabriquent les coucous.

Le patron, parfaitement allumé, organise réunion sur réunion et menace de virer ses employés pour les motifs les plus futiles, il leur impose des séances d'aérobic en pleine journée et les encourage à bien des choses, si ce n'est travailler. Les bureaux sont aussi barrés que le patron qui les dirige : le poisson rouge est mort mais flotte encore dans l'aquarium, les chaises sont cassées, les dossiers introuvables...

C'est dans cet univers de fous que débarque Richard, un canard à tête bleue, jeune recrue qui n'en revient pas de se faire embaucher après un entretien aussi court que délirant. Il découvrira bientôt que Guy Monier, l'employé dont il reprend le poste, n'est sans doute pas parti de son plein gré. Enlèvement ? Suicide ? Assassinat ? Les hypothèses sont ouvertes mais rien n'est plus compliqué que de mener l'enquête dans une société où rien ne tourne rond et où les fouineurs sont très mal accueillis. Quelque chose se trame chez coucous Bouzon, mais quoi ?

Empruntant les ressorts comiques de la série anglaise The Office, Anouk Ricard crée une galerie de personnages truculents : allumés, bien sûr, mais aussi agressifs, emplis de mauvaise foi, maladroits et toujours prêts à embarquer dans les projets les plus foireux. C'est désormais la marque de fabrique de ses scénarios, dont on raffole : elle crée un univers référentiel que tout le monde reconnaît (dans le formidable Commissaire Toumi, elle avait choisi une ville et son commissariat), puis elle le peuple de personnages tous plus drôles les uns que les autres et les regarde se débrouiller ensemble comme ils peuvent.

Ne vous fiez pas au dessin naïf, cet album d'Anouk Ricard, comme plusieurs autres, n'est pas destinés aux jeunes lecteurs : ce thriller haletant à la sauce Monty Pythons ravit plutôt les adultes et les grands enfants adeptes du second degré.  Sous de faux airs d'albums premier âge, la dessinatrice-scénariste propose de vrais albums tout publics, qui se lisent de 8 à 88 ans au moins.

Bien entendu, ceux qui fréquentent le 9e art pour se délecter de l'anatomie des héroïnes dévêtues et ceux qui recherchent le rendu hyperréaliste d'avions de chasse ou de bagnoles de sport seront un peu déçus par les couleurs basiques, le dessin au trait ultra simple, les visages dépouillés et la perspective rudimentaire. Mais c'est justement par cette simplicité que l'auteure parvient à nous attirer dans son univers perpétuellement décalé et à nous faire aimer ses héros, dont même l'asile ne voudrait sans doute pas.

Osez franchir le pas, vous ne le regretterez pas. « Coucous Bouzons » est une comédie haletante, qui déclenche de vrais fous-rires. C'est un plaisir si rare qu'il faut en profiter.

Comme ce titre d'Anouk Ricard figure dans la sélection du festival d'Angoulême (non pas en sélection jeunesse mais au rayon tout public, bravo au jury !), cela devrait permettre à de nombreux lecteurs de découvrir qu'il y a moyen de divertir en BD autrement qu'en adaptant des blagues de blondes éculées ou en alignant les stéréotypes sur les sports et les professions.

Un vrai coup de cœur à lire et relire en famille !