polaroid dessins réalité

Durant le confinement, certains ont entrepris de préparer leur propre pain, d'autres se sont mis au sport intensif tandis que d'autres encore ont entamé l'intégrale de La recherche du temps perdu. Quentin Blake, lui, a profité de ce temps suspendu où les sollicitations se sont raréfiées pour dessiner, simplement, compulsivement, avec bonheur.

"Une année de dessins" propose un panorama raisonné et généreux de la production de l'illustre dessinateur au cours de cette période singulière. Le foisonnement d'images et leurs variétés (de techniques et de supports) démontre son étonnante créativité, son émerveillement permanent au dessin, sa boulimie graphique, sa générosité, son impétuosité, son humour et évidemment toute sa fantaisie. L'investissement continu de certains motifs, presque entêtants, l'importance de la série ou encore l'expérimentation de certains outils fascinent par ce qu'ils donnent à voir de la pratique d'un auteur presque désoeuvré mais toujours au travail.

Plus qu'un simple recueil de dessins, ce livre offre une plongée dans l'intimité de Quentin Blake.

Dans Mon papa dessine des femmes nues, Philippe Dupuy s’interroge sur sa paternité tardive, sur les angoisses liées à l’effondrement annoncée du monde ou encore sur la nudité dans l’art. Son jeune fils Hyppolite, dont les dessins apparaissent au fil des pages, se révèle progressivement la figure centrale de ces réflexions : quand le regard vers soi se fond dans l’observation de l’autre.

L'auteur travaille alors à une introspection poétique faite de notes et anecdotes où se mêlent des récits de vie, des extraits de carnets de voyage, des reproductions d'oeuvres d'art ou encore des développements plus littéraires ou existentiels.

Il dessine librement, laissant les repentir de sa planche comme autant de détails graphiques qui donnent à voir l’acte même de création dans toute sa spontanéité, dans toute sa joie de voir l'image se révéler progressivement, attentif à la beauté des scories et déraillements imprévus qui donnent son âme au dessin.

Il utilise différents outils pour différents rendus qui mobilisent incidemment différentes modalités de lecture : l'oeil est sans cesse sollicité, invité à parcourir la page en suivant des rythmes variés, des espaces immersifs disparates et d'autant plus prégnants. Les planches se révèlent ainsi pleines de vie et introduisent à une forme d'intimité plastique.

Mon papa dessine des femmes nues est un album aussi beau que touchant, d’une grande sincérité, d’un lyrisme rare, réalisé avec un plaisir et une nécessité palpables qui se fondent en une lecture éminemment sensible.

Résumons si vous le voulez bien : Ellen est devenue une femme respectée de tous sur le vieux continent. Les démons du passé ont pourtant resurgi. Sa vie d’avant qu’elle avait pourtant pris soin d’oublier refait brutalement surface le jour où une autre est accusée des erreurs qu’elle a commises.

Le precedent tome nous laissait avec une Ellen fragile, trop dans l’émotion, franchement détestable… très différente de l’image qu’elle renvoie d’elle dans ses activités d’humanitaire. C’est là où la digression de ce tome est intéressante. Reprenant la logique d’une personne confrontée à des choix qui orienteront forcément son destin, on découvre une Ellen forte, qui se bat, qui transcende ses propres problèmes et va au bout de ses convictions…

Côté dessin, rien à voir avec le floutage et voire franchement vrai foutage de gueule du précédent opus, un dessin déjà plus intéressant du point de vue de la perspective et des interactions scénaristiques. Au risque d’être snob et irrévérant envers cette logique constante de collectifs d’artistes en vogue maintenant, peut mieux faire et peut s’appliquer davantage… les pages restent irrégulières, mais l’histoire passionne… on attend la suite forcément.

Le festival d'Angoulême fut un moment exaltant durant lequel j'ai eu la chance de rencontrer des auteur.ices pour enregistrer de beaux podcast. En attendant leur mise en ligne, vous pourrez retrouver celui-ci, réalisé avec Philippe Dupuy il y a quelques mois. Nous avions passé un très beau moment à discuter de dessin et de son dernier album (le lien vers le podcast est en bio). Un grand merci à l'auteur pour ce temps d'échange, comme suspendu.

Philippe Dupuy est un dessinateur passionnant à deux visages. Le public le connaît bien pour les albums de bandes dessinées qu’il a dessinés en collaboration avec son acolyte Charles Berberian, dont les séries Le journal d’Henriette et Monsieur Jean comptent parmi des classiques aujourd’hui. Mais depuis une quinzaine d'années, il développe une carrière solo plus expérimentale, tournée vers une approche sensible du dessin.  

Alternant des albums poétiques scénarisés par Loo Hui Phang et d’autres plus introspectifs dans lesquels il explore son rapport à la création et sa fascination pour l’histoire de l’art, il sort dans la collection Aire Libre des éditions Dupuis un nouveau livre plus autobiographique, intimiste et extrêmement touchant. 

Dans Mon papa dessine des femmes nues, l’auteur s’interroge sur sa paternité tardive, sur les angoisses liées à l’effondrement annoncée du monde ou encore sur la nudité dans l’art. Son fils Hyppolite, dont les dessins apparaissent au fil des pages, est la figure centrale de ces réflexions, ou quand le regard vers soi se fond dans l’observation de l’autre. 

Philippe Dupuy dessine librement, laissant les repentir de sa planche comme autant de détails graphiques qui donnent à voir l’acte même de création dans toute sa spontanéité, dans toute sa joie de création. Mon papa dessine des femmes nues est un album magnifique d’une grande sincérité, d’une rare poésie, réalisé avec un plaisir et une nécessité palpables qui se fondent en une lecture éminemment sensible.

Enfant d'un père suisse et d'une mère américaine, Albert-Edgar Yersin a hérité et grandi au milieu des plus beaux territoires.

Sans surprise, ce sont ces mêmes territoires qui sont représentés, à la plume, au crayon ou au burin par l'artiste.

Graveur de renom, dessinateur non moins talentueux, son style allie l'infiniment grand à la complexité d'un monde microscopique.

Dans cet ouvrage, Sebastien Dizerens et Frédéric Pajak réunissent ces oeuvres dans un ordre chronologique pour mieux mesurer l'ampleur de l'artiste.

Pour les curieux, l'exposition « Albert Yersin. Mes proches planètes » se tient du 20 janvier au 10 avril 2023 à l'Espace Arlaud de Lausanne.

En ce début du mois d'Avril, autour de cette date à laquelle les chinois vont dans leurs cimetières pour fêter leurs morts, l'ex-Inspecteur Principal Chen Cao vient lui aussi se recueillir sur la tombe de son père.

Cette démarche de souvenir et d'introspection qu'il a trop longtemps négligée malgré les demandes de sa mère lui permet aujourd'hui, certes de faire comme tous ses compatriotes, ici en supprimant mauvaises herbes, là en nettoyant la tombe, mais également de réfléchir à ce qu'il convient bien de considérer comme une mise au placard même si le titre ronflant dont on a affublé le nouveau poste qui lui a été attribué - Directeur de la Commission de Réforme Juridique de Shanghaï tout de même ! - ne peut abuser que ceux qui ne comprennent rien au fonctionnement des rouages politiques de la Chine.

Le nouveau Directeur Chen a beau replonger dans toutes les enquêtes récentes, ou moins récentes, sur lesquelles il a pu travailler, il ne parvient pas à identifier qui a bien pu être froissé, touché, inquiété, malmené par son sens de la justice et de l'équité au point de vouloir s'en débarrasser de cette manière.

Une chose est certaine : mettre en place une telle destitution ne peut être dû qu'à l'occupant d'un poste éminent de la hiérarchie du pays.

Et quand il échappe, par le hasard bienheureux d'un appel téléphonique de sa mère, a un incident qui s'avèrera monté de toutes pièces et qui aurait pu conduire à une dé-crédibilisation totale de son personnage droit et juste, Chen ne se pose plus de question ! Il sait alors avec certitude que c'est bien lui qui est dans le collimateur, que sa nomination est un jet de poudre aux yeux et qu'il devient essentiel pour lui de faire profil bas afin de donner le change et lui permettre d'agir, en sous-main, comme à son habitude, pour détisser une toile construite par une araignée venimeuse.

Après un départ un peu laborieux qui n'a pas manqué de me faire trouver le temps un peu long (même si j'aime bien ces références fréquentes à des poèmes chinois anciens, à des auteurs clairement inconnus, de moi tout au moins), remet bientôt son ex-Inspecteur Principal dans le bain et nous conduit avec dextérité dans les arcanes de la politique chinoise qui mêle allègrement intérêts privés, corruption, ligne du Parti ou encore sourdes batailles de pouvoir.

Je crois avoir déjà dit, à propos d'un précédent ouvrage, que je trouve un peu dommage cette propension de l'auteur à cracher dans une soupe qui lui donne autant d'occasions de faire briller son personnage : là encore, je regrette un peu cette sape systématique de l'image du système qui n'apporte pas grand-chose à la démonstration (même si les propos sont certainement tout à fait justifiés) et qui reste le ferment majeur des trames policières de ses romans.

A tel point d'ailleurs que, cette fois-ci, la mention d'un fait réel qui m'avait totalement quitté l'esprit mais qui est (honnêtement) présenté en quatrième de couverture comme étant le support réel de la trame imaginaire du roman m'a conduit, après avoir fini le livre, à rechercher sur internet des traces de ces évènements assez récents : l'affaire Bo Xilaï.

Déception ! La réalité dépasse presque la fiction et la fiction ne fait même pas l'effort de cacher des noms réels derrière une œuvre d'imagination ! En fait, le scénario est quasi identique aux faits rapportés par les médias, ce qui gâche un peu, après coup, le plaisir de lecture et réduit considérablement l'admiration qui pointait face au travail de l'auteur.

La réalité serait-elle plus brillante que l'œuvre de fiction ?

Quand je rajoute à cela le fait qu'il y a quelques passages finalement assez naïfs de « complotage » familial. Quand je constate comment l'épilogue est lapidaire et tellement convenu, oui, je me dis que je deviens vraiment trop difficile à contenter dans mes lectures. Mais j'avoue que, contrairement à des ouvrages précédents de QIU Xiaolong, je n'ai pas été autant conquis par la lecture de celui-là.

Enthousiaste à l'achat de ce livre du faite de la perspective d'une lecture aussi savoureuse que les précédentes, il ne va pas falloir qu'il me déçoive une fois de plus.

En ce moment se tient au Musée du Louvres l’exposition « Giorgio Vasari – Le livre des dessins – Destinées d’une collection mythique » jusqu’au 18 juillet 2022.

Belle exposition à la scénographie sobre et soignée. Pour la poursuivre à domicile, je vous conseille plus que vivement de vous procurer le catalogue de l’exposition publié par Lienart et les éditions du Louvre.

Outre que ce livre sent merveilleusement bon, il vous racontera plus en détail le projet de Vasari, à savoir accompagner sa seconde édition des « Vies des plus excellents peintres, sculpteurs et architectes », publiée en 1568 à Florence, d’un « Libro de’ disegni » devenu légendaire.

À comprendre dans les deux sens du terme : connu de tous mais qui disparaît au lendemain de la mort de Vasari, le 27 juin 1574. Il faut imaginer cette exposition et ce catalogue comme une enquête passionnante qui nous mène de Vasari à un autre collectionneur mémorable : Niccolò di Sinibaldo Gaddi.

Et ça #actualitteaime !

, illustrateur et designer français installé à Londres, aime l'architecture. Dans son ouvrage  (Nobrow press) il a d'ailleurs croqué de nombreux bâtiments londoniens, principalement en noir et blanc.

Avec ce nouveau livre, destiné à un jeune public (8-10 ans), il propose à l'enfant d'imaginer puis de dessiner sa maison. Conçu comme un livre de coloriages et d'activités graphiques, de manière progressive et amusante, le lecteur imite, colorie ou élabore lui-même des habitations diverses, se spécialise sur des points de détail, du mobilier ou des éléments spécifiques à la conception d'une maison (menuiseries extérieures, toitures…), développe son imagination, libère des émotions.

Sans didactisme, l'ouvrage présente à l'enfant quelques courants architecturaux, montre la diversité des constructions en fonction des pays, des cultures, des époques,  les illustrent par des monuments célèbres et ouvre ainsi le regard du lecteur, éveille sa curiosité et son imaginaire, l'air de rien. Il lui donne confiance, lui procure l'envie de se lancer ensuite, à son tour, dans la réalisation de dessins personnels ou d'achever les ébauches de l'artiste.

Avec près de 200 pages, l'artiste offre la possibilité de créer, de s'initier avec ou sans cadre, en suivant un rythme personnel, en acceptant ou non les nombreuses propositions. Avec liberté, le lecteur adopte ou se détache de la progression de l'ouvrage, peut refuser certaines consignes, en ajouter d'autres, aller même au-delà. Dans ce livre « tout est permis » souligne l'éditeur.

Ce livre renferme de quoi susciter des vocations précoces et surtout présente une manière ludique et interactive d'amener l'enfant à observer avec intérêt le monde qui l'environne. Sensible à la ville, à ses constructions, il deviendra sans doute plus respectueux et soucieux de l'espace dans lequel il vit et conscient aussi qu'il a peut être un rôle à jouer dans les perspectives urbanistiques futures.

Selon une progression auquel l'enfant n'est pas impérativement tenu (le livre peut être consulté au hasard des pages), il pourra notamment découvrir les différents types de maisons dans le monde, leurs particularités culturelles, les portes et leurs détails (heurtoirs, poignées), quelques styles architecturaux et architectes célèbres  (Art déco,  Bauhaus, Le Corbusier, Frank Lloyd Wright, Alvar Aalto …) et s'en inspirer.

Il aura tout loisir également d'imaginer des maisons insolites (péniches, cabanes dans les arbres, caravanes …) d'apprendre le sens du détail en décorant les intérieurs (papier peint, carrelage, luminaires, robinets, vases, mobiliers divers …). Les décors de la ville lui seront aussi présentés, donnés en modèle (les gargouilles, types de fenêtres, cheminées, boîtes aux lettres, ouvrages d'art, fontaines, girouettes …).

A coup sûr, ce lecteur deviendra vite un fin observateur de sa ville, à l'affût des curiosités qui l'entourent, désormais prêt à vous accompagner pour découvrir ce patrimoine à portée de crayons, libérateur de rêveries et d'imagination.