Je vais, tu vas, ils vont

Jenny Erpenbeck

Critique de gromit33, originellement publiée sur Babelio, partenaire de l'opération.

#PrixPorteDoree23 – Richard est un universitaire, spécialisé en lettres classiques, qui vient juste de prendre sa retraite. Il est veuf, sans enfant et va devoir meubler ses journées. Il a bien les cartons à trier, cartons qu'il a ramenés du bureau de l'université. Il a bien quelques rendez-vous avec ses voisins, quelques balades, dîners, quelques invitations à des colloques, mais de moins en moins d'ailleurs...
Un jour, en passant sur l'Oranienplatz, à Berlin, il croise par hasard le chemin de demandeurs d'asile.

Ceux-ci se sont installés sur cette place et leur camp devient un camp de protestation. Cela interpelle un peu Richard et au départ, il décide d'en faire un sujet d'étude. Il va aller à la rencontre de ses hommes, leur poser des questions et « jouer  » au sociologue. Il va essayer de comprendre aussi toutes les démarches administratives que ces êtres doivent faire, pour être visibles et pouvoir aller de l'avant. Nous apprenons beaucoup sur ces démarches induites par le fameux accord Dublin II.

Ces directives considèrent malheureusement ces migrants comme des chiffres, des cas qu'il faut faire rentrer dans ces cases. « Il ne faut pas s'étonner, pense-t-il, si le mot action désigne tout autant nos actes que des titres de propriété. » Richard va alors apprendre à connaître plusieurs hommes et leurs différents parcours de vie, leurs espoirs. Comme lui, nous allons alors rencontrer Ithemba, le cuisinier, Zaïr, Rachid, le lanceur de foudre et serrurier, Osarobo, qui dompte les notes d'un piano, Ali qui rêve d'être aide-soignant, Youssouf, qui fait la plonge et rêve d'être ingénieur... Comme Richard, nous allons connaître la situation dans certains pays africains, comme le Ghana, le Niger, le Tchad, le Nigeria...

Nous sommes à Berlin et Richard a connu le Mur, vivait du côté Est avant sa chute, il connaît déjà les changements de son pays, de sa ville. D'un sujet d'étude, il va en fin de compte apprendre à connaître, apprécier, aider ces différents individus, qui comme tout un chacun ont des qualités, des défauts. « Maintenant aussi, il vivait un moment où il se souvenait que le regard d'un homme était aussi valable, que celui d'un autre. Quand on regarde, on n'a ni raison ni tort. »

Ce livre est touchant par ses différents portraits d'êtres qui vont apprendre à se connaître, à s'apprécier.

Ce livre est très documenté (nous apprenons beaucoup sur la situation de certains pays, ethnies - comme les Touaregs), sur les directives, mais il reste à la hauteur de ces histoires d'êtres humains, que ce soit Richard, ancien Allemand de l'Est, qui va découvrir d'autres mondes et les différents migrants, avec chacun leur histoire, leur façon de subir ses absurdes contraintes administratives, leurs espoirs.

De belles pages d'échanges, d'espoirs, de désespoirs, de communion (une belle soirée d'anniversaire où chacun a apporté un peu de soi à partager). Je n'avais jamais lu cette auteure Allemande, mais continue de découvrir les différents textes de Jenny Erpenbeck.

Le roman est sélectionné dans le cadre du Prix de la Porte dorée 2023.

 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 

 

Une michronique de
Auteur invité

Publiée le
17/03/2023 à 14:58

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Je vais, tu vas, ils vont

Jenny Erpenbeck trad. Claire de Oliveira

Paru le 24/08/2022

349 pages

Fayard

22,00 €