Scènes de mort. Mourir en littérature

Yann Coillot

Sujet apprécié en soirée s’il en est : la mort… Il y a trépasser et mourir, encore pire : combien de fois on a entendu cette réponse après une question enfantine sur la disparition : « Je veux bien mourir, mais je ne veux pas souffrir… »

Blanche Cerquiglini, qui s’occupe de la collection Folio classique, a eu la bonne, ou curieuse c’est selon, idée de demander à Yann Coillot de rassembler les grandes scènes de mort de  la littérature, car si La Rochefoucauld affirmait dans ses Maximes que « le soleil ni la mort ne se peuvent regarder fixement », le roman, comme l’art en général, la montre, la décrit, la sublime, offre cette confrontation nécessaire avec cet au-delà de la vie, qui l’obsède.

Une centaine d’auteurs d’Ovide à Patrick Deville, en passant par Céline, Bernanos, Chateaubriand, Flaubert Beckett, Koltès, Perec, Virginia Woolf, Marguerite Yourcenar… et des thématiques : » Grandes vies, grandes morts, « Amour et mort », « Presque mort », « Après la mort »...

La tragédie chez les Grecs avait deux fonctions principales, me semble-t-il : faire assimiler qu’au-dessus de toutes les volontés, il y a le fatum, le destin indépassable et prévu dès la naissance, et que le drame premier et définitif de toute existence provient d’une mort tout aussi insurmontable. Le résultat n’était pas de déprimer ces grands adolescents, mais au contraire de les rendre légers comme le sont tous les tragiques. Le tragique est le contraire du sérieux. Habiter au quotidien avec la faucheuse au-dessus de sa tête, c’est basculer dans une quête d’immortalité, celle de tous les grands auteurs rassemblés dans ce livre.

Certaines scènes montrent ce rapport de l’amour à la mort, ou plus précisément du désir au morbide. La laideur d’un décès, son grotesque, sa beauté, sa lumière aussi : la huitième et dernière partie présente des textes qui ouvrent sur une forme d’au-delà : la résurrection, la métamorphose, la transfiguration ou l’extase mystique, qui se glissent de façon souterraine. Apprendre à mourir.

Une édition agrémentée, entre autres, de tableaux de grands maîtres de la peinture — de Giotto à Otto Dix —, dont une partie en couleur. Un bel ouvrage, parfait pour ceux qui aiment les anthologies et les crânes.

« Ô douceurs, ô monde, ô musique ! Et là, les formes, les sueurs, les chevelures et les yeux, flottant. Et les larmes blanches, bouillantes. — ô douceurs ! - et la voix féminine arrivée au fond des volcans et des grottes arctiques… - Le pavillon… » Arthur Rimbaud, Barbare, tiré des Illuminations.

 

Une michronique de
Hocine Bouhadjera

Publiée le
11/09/2023 à 17:23

1 Commentaire

 

Athenais

12/09/2023 à 20:30

Très intéressant

Scènes de mort. Mourir en littérature

Yann Coillot

Paru le 07/09/2023

630 pages

Editions Gallimard

11,70 €