Le groupe Gallimard ne se rendra au salon du livre de Paris qu’avec un effectif réduit : seules les maisons Folio et J’ai lu (les formats poche) occuperont un stand. Une décision qui intervient après qu’en 2019, la maison s'est trouvée pour voisin Amazon-Audible dans les couloirs du salon. Pépin diplomatique et grosse crise en perspective.

Alerté par cette information, l'auteur Marc Varence a fait parvenir à ActuaLitté une dystopie futuriste, pour tenter d’éclairer le présent à la lumière du futur. Nous en publions le texte dans son intégralité, et laissons aux lecteurs le soin de juger.
Chères lectrices, chers lecteurs, chers internautes, imaginez-vous en novembre 2039… dans vingt ans ! Fermez les yeux et concentrez-vous.
Il était une fois, dans un futur assez proche
Les librairies indépendantes ont soit fermé définitivement leurs portes, envahies de tags, soit diversifié leur offre (ils vendent du café, des meubles, des huiles essentielles, etc.). Lire un livre en papier est mal perçu. Osez ouvrir un livre dans le métro et l’on vous fusille du regard. Ce type qui lit un livre fait de papier milite pour la destruction de nos forêts !
Les jeunes générations éprouvent beaucoup de difficultés à écrire au moyen d’un objet jadis universel : le stylo à bille. La calligraphie passe pour un art et non plus pour une nécessité. À l’école, l’enfant se rend avec son écran tactile en poche, souple et léger comme une plume.
Les chéquiers appartiennent au passé depuis près de dix ans. La monnaie et les billets de banque ont quasiment disparu. On écoule les stocks restants ou l’on se rend dans une banque pour les convertir. Les paiements s’effectuent désormais avec votre smartphone, votre puce insérée sous la peau ou, plus rarement, au moyen de cartes bleues.
Le livre en papier se commande en ligne et se lit à la maison. L’achat se justifie aussi pour les chercheurs, historiens et autres étudiants.
Les groupes éditoriaux ont fait le ménage. Les stocks ont été divisés par vingt. Le coût exorbitant des entrepôts n’a plus de raison d’être et les bâtiments ont été vendus, voire sous-loués. La diffusion s’est réduite comme peau de chagrin, les délégués commerciaux qui jalonnaient les routes de France ont été remerciés.
Les bénéfices ont augmenté et un accord a été trouvé avec le n° 1 des plateformes en ligne (Amazon) pour :
1. faire imprimer à la demande par le géant de Seattle
2. récupérer les droits des milliers d’auteurs autopubliés qui écoulent à eux seuls plus de 30 % de la production littéraire.
2. récupérer les droits des milliers d’auteurs autopubliés qui écoulent à eux seuls plus de 30 % de la production littéraire.
Les principaux salons du livre existent encore, mais l’on n’y vend plus de livres. On se prend en photo aux côtés de vedettes de l’écrit. Pour se rendre à ces festivités, les auteurs les plus célèbres sont rémunérés. Les autres y louent des emplacements pour parler de leurs ouvrages et y présenter un exemplaire de démonstration (surtout pas de piles, car les défenseurs de notre planète s’y opposeraient). Les commandes en ligne se font instantanément.
Retour en novembre 2019 : ouvrez les yeux..
Lorsque Antoine Gallimard joue les vierges effarouchées à l’idée de côtoyer le méchant Amazon, il connaît dans le même temps — et mieux que quiconque — ce que pèse le PREMIER libraire de France… et du monde. Il sait pertinemment que près d’un livre sur deux se vend en ligne, via ce site incontournable.
Plus de 21 millions de Français y ont commandé au moins un article en 2018, pour une moyenne supérieure à 50,00 € par internaute. C’est gigantesque ! Il sait aussi ce que représente Amazon dans son chiffre d’affaires annuel. Il est même possible qu’il ait déjeuné avec les dirigeants d’Amazon France dans un excellent restaurant parisien.
En clair, toute cette hypocrisie me révolte. On prend les gens pour des cons ! Et comme l’omerta est généralisée dans ce milieu d’onanistes vertueux et intellectuels, personne n’ose la briser.
Il suffit pourtant de poser deux questions toutes simples :
Le groupe Madrigall peut-il se passer d’Amazon ? La réponse est non !
Amazon peut-il se passer du groupe Madrigall ? La réponse est oui !
(Ndlr : Madrigall est la holding réunissant les maisons Gallimard, Flammarion, Casterman, entre autres)
Si vous relisez les épisodes de « Manuscrit Story » publiés sur Actualitte, vous constaterez que je fais dorénavant partie de ces auteurs autopubliés sur Amazon. Je l’assume.
Nous, auteurs autopubliés, devons faire le gros dos et patienter quelques années. En effet, aujourd’hui, il est compliqué, voire impossible, d’obtenir une couverture médiatique, car le journaliste qui oserait parler de nos livres risque le boycott des attachées de presse et la mise au banc de sa corporation. D’autre part, aucune diffusion et distribution en librairie n’est envisageable.
Aussi, et si Amazon me le propose, je serais ravi de pouvoir me rendre au salon de Paris pendant le week-end du 21 et 22 mars, histoire de mettre les pieds dans le plat et, au passage, d’y dédicacer quelques livres… au moyen d’un beau stylo à bille…
NDLR : on se perdra d’apporter une nuance cocasse à l’ensemble du propos, en rappelant que le salon du livre de Paris fut la première manifestation littéraire à laquelle Amazon prit part. C’était en 2012, et principalement pour exposer sa solution Kindle Direct Publishing. Amazon avait, dans sa stratégie, besoin de la manifestation, qui elle, pour des raisons de prestige, a besoin des éditions Gallimard. Lesquelles ont besoin d’Amazon…
Tiens… n’aurait-on pas comme une sorte de chaîne du livre qui se serait subrepticement mise en place ?
Commentaires
Le Libraire Masqué, le 29/11/2019 à 09:47:32
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Nemesia, le 30/11/2019 à 01:53:10
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