Moi%2C fou BD

Best-seller du NY Times et plongée dans l'univers de l'entreprise : Buck & Moi va probablement faire parler de lui. Car quand on est noir et barista chez Starbucks, entrer dans le monde des affaires n'est pas si facile que ça...

Un premier roman réussi ! 

Erwan Barillot est un conseiller en relations publiques, mais pas seulement. Auteur du président liquide, qui fait notamment référence au maître concept de Zygmunt Bauman, la société liquide, il revient avec un premier roman, Moi, Omega, nourrit de toutes ses réflexions sur les transformations du monde et du rapport entre les gens.

Une brillante méditation qui retourne à Teilhard de Chardin et sa thèse : le bout de l’évolution technologique nous fera retourner à l’âge d’or, retrouvant une idée de Dostoïevski qui pensait qu’au bout, une nouvelle inconscience rejoindrait ces temps premiers où l'homme, à l’instar de l’animal, ne serait plus séparée du Monde, donc de Dieu.

Cette folle idée, Erwan Barillot la décrit en direct de 2064…

Cette semaine, j’ai lu Oubliez-moi de Xu Feng aux éditions M.E.O (traduit du chinois par Kevin Henry)

« Son tempérament, l’essence même de son caractère, avait toujours été de voir le verre à moitié plein et de savoir repartir d’une page blanche, comme une pièce de soie lisse. En fait, elle devait savoir depuis longtemps qu’aller au bout du monde était sa destinée. » (p. 110)

L’écrivain Xu Feng, auteur d’une vingtaine de romans et de biographies, s’est intéressé pendant un quinzaine d’années à restituer la vie de Qian Xiuling, la « Schindler sino-belge ». « Une femme qui a toujours affirmé n’avoir accompli aucun acte extraordinaire, et qui a toujours demandé qu’on veuille bien l’oublier. »

Né en 1912, Qian Xiuling quitte la Chine à l’âge de 17 ans pour étudier. Elle obtient un double doctorat en physique et chimie à l’Université de Louvain (Belgique) et rompt dans la foulée avec le fiancé qui lui a été affecté à sa naissance pour épouser un médecin d’origine gréco-russe.

Malgré son envie de vivre en Chine, elle ne le put en raison de l’invasion japonaise. Elle et son mari s’installèrent donc tous les deux à Herbeumont, mais malgré tout, la guerre les surprend… Qian Xiuling risque alors plusieurs fois sa vie pour sauver des résistants du village en allant plaider leur cause auprès du général von Falkenhausen, gouverneur militaire de la Belgique.

Décorée à la libération, elle quitte son emploi d’assistante à l’université de Louvain et sa réputation pour défendre von Falkenhausen devant le Conseil de Guerre, lui évitant ainsi la condamnation à mort.

n'est pas tout à fait un livre … il y a des pages, une couverture, un titre et un auteur. Mais ce n'est pas tout à fait un livre quand même. Soulevez la couverture, dépliez les pages cartonnées (résistantes aux dents des touts petits et aux doigts des un peu plus grands) et vous obtiendrez une jolie frise. Là, le jeune lecteur pourra compter jusqu'à 10 avec son nouvel ami Charles. Retournez la frise et les règles du jeu changent. Il s'agit maintenant de trouver un certains nombre d'objet (les mêmes que ceux comptés précédemment) cachés dans un paysage.

Vous l'aurez compris, le petit livre-frise de Philippe-Henri Turin est réjouissant et mignon à souhait. Apprendre à compter devient ainsi un jeu d'enfant!

Avec Wesley, je suis devenue la reine de la route : il débarque dans ma vie, chargé de toute l’histoire des Etats-Unis que je suis capable d’assimiler, à 7 ans. Mais il faut reconnaître que pour un vélo, il en jette !

Voici comment une petite fille, recevant le plus beau des cadeaux, et même au-delà de ses rêves, se lie d’amitié avec son deux roues. Un vélo qui fait l’admiration de ses amis – d’ailleurs, en se serrant un peu, on tient presque à quatre dessus.

Ou comment une petite fille s’éprend de son véhicule, et démontre que le deux roues, ce n’est pas un sport réservé aux garçons. Même si, un beau jour, ce camarade de jeu deviendra trop petit pour elle…

Il est sorti, le nouveau MLQ (Mon Lapin Quotidien)! Et, comme à son habitude, il est complétement dingue, beau, drôle et poétique : une véritable décharge pour les yeux et pour la tête !

Tous les trois mois, la fine fleur de ce qui se fait de meilleur actuellement dans le monde de l'édition répond à l'appel de Quentin Faucompré qui accompli un travail absolument fabuleux. Chaque page fourmille d'idées, le regard butine et passe des dessins fascinants d'Atak, Killoffer, Mape13 ou Hippolyte Hentgen (entre autres) aux bandes dessinées de Joko, David B., Tom de Pekin ou Jochen Gerner (entre autres) et aux textes passionants de Christian Rosset, Hervé Le Tellier ou Clément Boute (entre autres).

Les pages exercent un magnétisme aussi bien visuel qu'intellectuel qui nous plonge dans une lecture des plus stimulantes !

Soulignons l'élégance de la mise en page réalisée par Rocco qui parvient à mettre en valeur individuellement chaque création tout en les inscrivant dans une grande diversité de propositions.

MLQ est sans aucun doute le périodique le plus exaltant du moment ! Abonnez-y vous sans plus tarder !!!

Faut-il encore présenter la collection 25 images des éditions Martin de Halleux ? Reprenant à la lettre le format utilisé par Frans Masereel en 1918 pour le premier roman muet moderne, la collection propose à des dessinateurs de talent de raconter sans un mot et en 25 pages illustrées en noir et blanc un récit complet.

Bien que la contrainte soit forte, chaque titre de la collection permet à l'auteur de déployer ses thématiques personnelles, ses techniques et son phrasé naturel. On n'est donc pas surpris de voir Tardi proposer les lecteurs une expédition dans le cimetière du Père-Lachaise pour y assister aux conséquences de la sanglante répression de la Commune de Paris par Adolphe Thiers.

Habitué du noir et blanc et de l'évocation du sombre passé de la France, Tardi transforme ces vingt-cinq images en gigantesque bras d'honneur adressé par-delà les siècles au premier président de la IIIe République. Son album a la force et la spontanéité d'un tag tracé à la bombe sur le pignon d'un mausolée de pierre. Profitant du recul que le temps autorise, Tardi venge symboliquement les Communards massacrés lors de la Semaine sanglante. 

Le trait de Jacques Tardi, tirant comme à son habitude sa puissance macabre du contraste entre le noir et le blanc, sert la simplicité de cette ultime déambulation d'un vieillard, de son chez soi à la tombe, même si ce n'est pas la sienne.

Le corbeau et la Mort ne sont jamais très loin, le temps file, les pages tournent et la Faucheuse aura de toute façon le dernier mot. Une fable ultra limpide qui rappelle que l'irrévérence est un devoir envers tous ceux qui abusent de leur position dominante pour imposer la violence.

Léon, grand et fort, marche devant ; il décrit ce qu'il voit à Max et Rémi qui marchent derrière, main dans la main. Derrière Léon, ils ne voient rien, mais ils se sentent bien, protégés par leur ami si rassurant. Et si cet ordre établi venait à changer...

Quand on est grand et fort, c'est chouette de protéger ses copains des dangers. Quand on est de taille moyenne et qu'on aime raconter des histoires, c'est bien de faire rêver ses petits copains. Quand on est petit et rêveur, c'est agréable de se laisser aller à la rêverie, entouré de ses amis. Mais c'est parfois gratifiant, quand on n'est pas le plus fort, de se sentir indispensable. Et après tout, si le rôle de chacun était d'égale importance et que tous devaient marcher devant, main dans la main, l'un veillant sur ses amis, l'autre racontant des histoires, et le troisième rêvant et chantant ?

Avec , nous raconte une jolie histoire d'amitié et nous rappelle que chacun a son importance quelles que soient sa force et sa taille, quelles que soient ses qualités et compétences. L'essentiel est d'être bien ensemble et de s'entraider.

Les illustrations d'Olivier Tallec nous font suivre les déambulations de ces trois personnages – une espèce de gros monstre rose, un petit garçon et un lapin blanc – qui semblent condamner à parcourir le monde, tous les trois ensemble : Paris, Cannes, New York, savane, jungle, campagne…, car l'amitié est universelle.

Un album sur l'amitié, la différence et la complémentarité.

Alessandra Fra a été découverte, pour beaucoup, à l'occasion de son passage chez TPMP pour témoigner du comportement de PPDA à son égard. Des rencontres qu’elle raconta dans son roman, Un Suicide, édité en 2007 dans un contexte bien autre. Sa parole est plus ambigue que celui des femmes qui accusent aujourd'hui l'ancien présentateur du JT de TFI d’agressions sexuelles ou de viols.

C’est elle qui crée le Pari(s) littéraire à l’origine du prix Le Temps Retrouvé en 2020, et d’installer PPDA à sa présidence avant que le jury soit dissous des suites des révélations sur ce dernier. Alessandra Fra raconte ses rencontres violentes ou rapidement sexualisées par le présentateur, entre 2005 à 2023. Son ambition est de comprendre le personnage, ses stratégies et ses motivations.

À travers cette relation, s’animent une époque et un univers littéraire parisien avec des dérives devenues inacceptables.

PPDA, ce sont 30 victimes présumées qui ont témoigné devant la police, dont 18 qui ont porté plainte. Parmi les mises en cause, huit l’incriminent pour viol. Emmanuelle Dancourt, présidente de l’association #metoomedia, évoque pas moins de 90 témoignages de victimes de PPDA.

Le dernier Mon Lapin Quotidien est, comme tous les autres, beau, chouette, profond, étonnant, en tous points fascinant.

J'ai déjà écrit dans plusieurs articles à quel point je trouve cette publication stimulante, véritable espace d'expérimentations diverses où le verbe se mêle à l'image en des compositions saisissantes qui happent le regard et ne cessent de le renvoyer, un peu comme une boule de flipper virevolte au rythme des bumpers.

Je n'ai peut-être être pas assez souligné tout l'humour que l'on trouve dans MLQ, un humour fin, pince-sans-rire, d'une élégance certaine même dans la trivialité.

Ce nouveau numéro ne déroge pas à la règle, alors il serait dommage de passer à côté de ce concentré d'images et de textes contemporains réalisés entre autres par Hervé le Tellier, David B., Jérôme Mulot, Julie Doucet, Muzo, Christian Rosset et bien d'autres encore qui enchantent et nourrissent l'esprit.

D'habitude, Lila sourit. Tout le temps! Même quand il pleut! Mais aujourd'hui, son sourire a disparu. Va donc savoir où il est passé! Lila placarde des affiches, cherche dans tous les coins et recoins et soupçonne même un cambrioleur. Mais pas moyen de savoir où le fameux sourire se cache.

Collages, peintures, crayons gras... De nombreux matériaux sont utilisés pour réaliser les illustrations de cet album. Il est vrai que si le sourire peut être n'importe où, autant se servir du maximum de choses pour dessiner! Peut-être qu'ainsi, il apparaîtra! Et le sourire, on va le chercher partout: dans la chambre, chez les amis, sur toute la Terre... Mais la Terre est grande... Comment faire?

Les illustrations extrêmement drôles de et l'histoire à lire dans tous les sens de Où est donc passé mon sourire? vous inciteront à vous poser la même question! Cherchons, cherchons, entre les mots et les dessins, il se cache bien quelque part...

Ils sont trois dans la maison. Une mère, sa fille et Jeannot, le lapin. Les deux premières se voient rarement mais se croisent, le troisième est le témoin de cet incessant ballet. Pour communiquer elles utilisent des Post-it, ces petits bouts de papier jaune et collant qui servent plus à écrire la liste des courses qu'à donner des nouvelles…
Ne t'inquiète pas pour moi est un roman surprenant où chaque page est un message laissé sur la porte du réfrigérateur entre les deux personnages principaux. Le titre original « Life on the refrigerator door » eut été un titre un peu plus « intéressant » que sa version française.
Un roman surprenant, disais-je, à plus d'un titre. Alors que l'on s'attend en lisant les premières pages à une mignonne histoire, certes un peu à l'eau de rose, entre une mère et sa fille, on est rapidement absorbé par le quotidien de ses deux âmes dont l'une d'elles va commencer à souffrir d'un mal malheureusement trop connu…
Alice Kuipers, dont c'est le premier livre, signe ici un roman émouvant et ne se laisse jamais aller à la larme facile. Pour le diffuser le plus largement possible Albin Michel Jeunesse a eu la bonne idée de faire deux couvertures différentes pour que les libraires puissent l'installer aussi bien en jeunesse qu'en adulte…

Si vous êtes nostalgique de Johnny Weissmuller, Maureen O 'Sullivan (pour les six premiers films) et Cheeta et si vous avez vu les douze films de Tarzan (1932-1948), ce roman insolite pourra agréablement (et non sans humour) compléter vos connaissances et affiner votre culture cinéphile autour de Tarzan.

Si ce n'est pas le cas, si Tarzan au contraire, vous rapproche de l'univers Disney ou de Greystoke, il est probable que cet ouvrage vous perturbe quelque peu, vous égare également à moins que la description des fastes d'Hollywood et des sept "usines à rêves" des années 35-40  (parmi lesquelles Warner, Mayer, Goldwin…) n'attisent votre curiosité et ne vous entraînent ensuite à découvrir , le Vrai, le Seul, celui dont le cri inimitable "Aaahhheeyeeyeeyeeaaaahheeyeeyeeyaaahhh" reste inoubliable, porteur d'une émotion intense bien éloignée de l'effet ridicule que son écriture (représentée ci-dessus) peut laisser supposer.

Un conseil. Une fois l'ouvrage refermé, regardez Tarzan et sa compagne,  ou Les Aventure de Tarzan à New-York. Il est certain, qu'au-delà du divertissement, Cheeta va vous sembler étonnamment complexe par son double-jeu.

Le narrateur est donc un singe mâle (femelle pour le rôle) qui, depuis sa maison de retraite de luxe à Palm Springs, lorsqu'il n'est pas occupé à peindre des tableaux abstraits, raconte son enfance dans la jungle africaine, son arrivée à New-York en 1932 et son transfert jusqu'aux studios hollywoodiens où il deviendra une véritable célébrité aux côtés de Johnny Weissmuller, à l'instar de King-Kong et autre Rintintin.

Dans un style percutant, avec ardeur, drôlerie et une certaine férocité parfois, Jiggs alias Cheeta livre son ascension remarquable, de petit prince de la canopée, entouré de sa mère au pelage "de la couleur du Coca-Cola à travers les glaçons" et de sa sœur, se baladant d'arbre en arbre, évitant les "hostiles" puis séparé d'elles, rassemblé avec d'autres animaux de la savane sur le Forest Lawn afin de gagner l'Amérique et devenir acteur à part entière à Hollywood.

Son regard, souvent corrosif, se porte tour à tour sur les acteurs qu'il côtoie (Johnny et Maurreen notamment mais aussi David Niven, Marlène Dietrich, Carole Lombard, Cary Grant, Peter Lorre ou Chaplin…), les cinq épouses de Weissmuller, ses compagnons animaux et leurs difficiles conditions de travail, les dompteurs cruels et même sur Jane Goodall, la primatologue et entraîne le lecteur au cœur d'un monde de célébrités agitées par la jalousie, l'orgueil, la gloire et la neurasthénie,  carrément pathétiques d'ailleurs où l'alcool et les drogues ne parviennent plus à créer l'illusion de bonheur.

Les fêtes chez Marion Davies, "le Sexe fin saoul […] cet attirant bouquet olfactif d'urine, de vomi, de mycose, de sueurs et de menstruations", dans le manoir d'Harold Lloyd, chez Doug Fairbanks et ailleurs  alternent avec le rêve sur la corniche (studios de la MGM).

Par les anecdotes, les potins de la jetset, tous plus vrais que nature, les aléas de tournages, les rivalités entre Jane ("cette vieille mégère inoffensive") et Cheeta, l'amitié troublante de l'animal avec Tarzan,  l'auteur, James Lever intrigue et divertit mais parfois, l'effervescence et la densité du récit, et notamment le flot ininterrompu de références culturelles, frustrent et malmènent le lecteur non initié, pas suffisamment cinéphile pour saisir tous les détails et sous-entendus.

Le rythme virevoltant pourtant fluide, semble vouloir ralentir alors. Ainsi mis de côté sur certains chapitres, le lecteur s'ennuie un peu, se retient pour ne pas sauter quelques pages même si la bonne humeur et le plaisir, l'originalité du livre l'emportent tout de même au final.